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Un film tchadien était pour la première fois en compétition officielle cette année à Cannes : Mahamat Saleh-Haroun a reçu le Prix du Jury pour "Un Homme qui crie". État des lieux du cinéma au Tchad avec le réalisateur Issa Serge Coelo.

Où en est le cinéma tchadien aujourd'hui ? On a entendu Mahamat Saleh-Haroun, lauréat du Prix du Jury au Festival de Cannes pour son film "Un Homme qui crie", parler des difficultés à tourner au Tchad, des embûches politiques et financières qu'il fallait surmonter ...

Issa Serge Coelo : Depuis quelques années on est deux ou trois, dont Haroun et moi-même, à essayer d'être dans la dynamique de réaliser des films, télé ou cinéma. Nous arrivons à produire un film tous les quatre ans, ce qui est mieux que la Côte d’Ivoire ou que le Burkina Faso. Nous avons moins de moyens, mais plus de volonté.

Je suis retourné vivre à N'Djamena depuis deux ans. Et j’essaie de définir un cadre de travail pour les réalisateurs tchadiens. Nous avons mis en place une société de droits d'auteurs. Nous sommes d’ailleurs un des derniers pays africains à le faire.

Autre avancée : une loi est en train d'être rédigée par le ministère de la Culture pour créer un fonds de financement des arts, qui soit alimenté par une redevance télé et radio. Pour l'instant, le texte de loi prévoit de prélever cette redevance uniquement le salaire des fonctionnaires. Je ne trouve cela pas très juste, et je me bats pour que la taxe soit prélevée sur chaque appel de téléphone mobile. Cela représenterait des milliards de francs CFA.

Est-ce que les jeunes Tchadiens sont intéressés par le cinéma ?

I.S.C. : Alors, il y a quelques jeunes qui commencent à réaliser des petites fictions, de façon informelle, avec très peu de matériel. Ça bouge dans les quartiers. Il y a du potentiel. Cependant, nous manquons de personnes professionnelles.

Un de nos objectifs est de lancer des sessions de formation, où les jeunes pourraient apprendre les bases du cadrage, du montage, du scénario… grâce au fonds de financement des arts. On pourrait aussi financer la formation de ces jeunes à l’étranger. En fait, le Tchad s’est enrichi dernièrement avec les revenus du pétrole, et le gouvernement a décidé d’investir dans les arts, et notamment le cinéma. On essaie de surfer sur la vague.

Est-ce que la récompense de Mahamat Saleh-Haroun va susciter un nouvel intérêt des Tchadiens pour le cinéma ?

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I.S.C. : On est fiers et heureux qu’Haroun ait représenté le cinéma tchadien à Cannes. Ça représente une motivation supplémentaire pour nous. Mais les artistes sont encore mal vus au Tchad, la plupart n'en voient pas l'utilité. Les Tchadiens sont préoccupés par le quotidien.

J’espère contribuer à ressusciter l’intérêt des habitants de N’Djamena pour le cinéma, en restaurant un très vieux cinéma, le Normandie, grâce à des subventions publiques. C’est une salle mythique, de 600 places, construit en 1949. Elle n’a pas servi depuis le début des années 1990. Je suis d’ailleurs venu à Paris pour acheter du matériel de projection et moderniser la salle aux normes européennes. L’ouverture doit avoir lieu d’ici trois ou quatre mois. Bien sûr, nous projetterons "Un Homme qui crie". L’ambition est de suivre le rythme des sorties européennes de films avec une semaine de décalage… Ça marche à Bamako, alors pourquoi pas chez nous !