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Quand Oliver Stone et Woody Allen divertissent la Croisette

, envoyé spécial à Cannes – Oliver Stone, avec "Wall Street" et Woody Allen avec "You Will Meet a Tall Dark Stranger" donnent ce qu’on peut attendre de deux grands réalisateurs américains et populaires... Du beau spectacle. Ci-dessous, une interview de Woody Allen.

Cette année, alors que la sélection du Festival de Cannes compte quelques nouveaux pays en lice (l’Ukraine et le Tchad prétendent à la Palme d’or pour la première fois), on remarque surtout un grand absent. "Fair Game" du réalisateur Doug Liman est le seul film américain en compétition, alors que les Etats-Unis présentaient deux réalisations l’année dernière, contre quatre films en 2008 et cinq l’année précédente.

Cannes en panne de stars cette année" : c’est le titre du New York Times à propos du Festival, illustrant le sentiment diffus qu’un festival qui affiche peu de productions américaines manque d’un certain "je ne sais quoi".

Les éventuels frustrés du grand Hollywood à l’ancienne ont quand même eu droit à une double dose vendredi et samedi avec les projections hors compétition de deux poids lourds venus des "States" : "Wall Street : Money Never Sleeps" de Oliver Stone, et "You Will Meet a Tall Dark Stranger" de Woody Allen.

Il faut l’avouer, aucun des deux films n’est un chef d’œuvre. Pourtant, à voir les journalistes se bousculer pour assister aux projections de presse et le nombre de fans agglutinés à l’heure de la séance photos sur le tapis rouge, le cinéma hollywoodien exerce toujours un pouvoir de fascination incontestable. Même dans un festival qui fait la part belle au cinéma du monde non occidental.

Dans un contexte de crise financière globale, le film d’Oliver Stone, la suite de son "Wall Street" de 1987, prend une dimension internationale et se révèle être une bonne surprise: un film percutant et très plaisant quoique conventionnel et qui actualise avec brio des thèmes déjà abordés dans l’original.

Le film met en scène un couple de jeunes idéalistes (Shia LaBeouf et Carey Mulligan) face aux requins des grandes banques. On retrouve entre autres l’anti héro du premier opus, Gordon Gekko (interprété par Michael Douglas), doté du même charisme sirupeux et d’une nouvelle touche de mélancolie.

La première moitié est bien écrite et rythmée. Stone déplace ses pions sur son échiquier dans un style toujours incisif avec une scène de suicide à glacer le sang, une conversation suintant de paranoïa entre LaBeouf et Douglas dans le métro new yorkais… La seconde partie perd en dynamisme, abusant de dénouements faciles et des ficelles du cinéma hollywoodien : des rencontres passionnées, des réconciliations larmoyantes et une intrigue qui paraît finalement "téléphonée" ou carrément arbitraire.

En fin de compte, on aurait préféré un Oliver Stone plus sombre, creusant davantage en profondeur sa trame, attaquant avarice et corruption - des thèmes d’une actualité brûlante - avec plus de nuances que sur le mode "gentil-bonhomme-contre-méchant-système-capitaliste".

Trop de Woody tue le Woody ?

Dans "You Will Meet a Tall Dark Stranger", Woody Allen a rassemblé son traditionnel casting de stars pour raconter l’enchevêtrement d’intrigues romantiques et de rêves brisés d’une famille londonienne.

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BONUS WEB : L'intégralité de l'interview avec Woody Allen (en anglais)

Pas assez drôle pour ficeler une comédie, pas assez chargé d’émotion pour faire un drame, le film est l’une des performances les plus ternes du réalisateur - particulièrement décevant après le renversant " Match Point" et la sensualité piquante de "Vicky Cristina Barcelona". La caméra de Woody Allen est pourtant plus sûre que jamais et les acteurs comme Naomi Watts, Josh Brolin et Gemma Jones offrent une prestation aussi brillante que drôlatique.

Les névroses qui font les trames de Woody Allen paraissent imposées par le réalisateur, plutôt que portées intrinsèquement par les personnages.

Même si le film reste tout à fait regardable (Allen est bien trop pro pour véritablement rater un film), les tics de narration du réalisateur semblent particulièrement éculés ; combien de fois est ce que l’on peut regarder un vieil homme laisser tomber sa régulière pour une jeunette affublée de minijupe et talons aiguilles, et continuer de trouver ça drôle ou même convaincant.

Et pour ajouter à l’ennui, le film fait preuve de trop peu de paresse pour explorer ces thèmes. "You Will Meet a Tall Dark Stranger" parle de gens frustrés qui rêvent de ce qu’ils n’ont pas, et le vétéran de la réalisation effleure à peine la surface du propos. Pour le coup, les fans parmi les fans de Woody Allen ressentiront assurément une certaine frustration.