
L'Inde et le Pakistan avaient interrompu leur dialogue de paix au lendemain des attentats de Bombay, qui s'étaient soldé par la mort de 166 personnes, en 2008. New Delhi avait accusé un groupe islamiste pakistanais d'avoir fomenté les attaques.
Une première poignée de main, rapide, entre les Premiers ministres indien et pakistanais en marge du sommet des non-alignés qui s'était déroulé en Égypte, en juillet dernier, avait permis de briser la glace. Mais, ce jeudi, le face à face entre la secrétaire indienne aux Affaires étrangères, Nirupama Rao, et son homologue pakistanais, Salman Bashir, en Inde, constitue la première rencontre officielle des autorités des deux pays depuis les attentats de Bombay, en novembre 2008, dans lesquelles 166 personnes avaient trouvé la mort. Depuis, New Delhi accuse régulièrement des groupes islamistes basés au Pakistan d’avoir mené les attaques du "11-Septembre indien".
La tension n’est pas retombée depuis. L’'Inde digère mal la libération, en avril 2009, par la justice pakistanaise, de Hafiz Saeed, le fondateur du Lashkar-e-Taiba, un groupe armé soupçonné d'avoir perpétré les attentats de Bombay. Depuis, chaque attaque terroriste ravive les ressentiments. "À chaque fois qu’un attentat se produit en Inde - il y en a eu encore un, il y a deux semaines, dans la ville indienne de Pune, qui a fait 16 morts -, les autorités indiennes accusent leurs homologues pakistanaises de ne rien faire contre les groupes djihadistes qui mènent des actions en Inde", explique Philippe Levasseur, correspondant de France 24 à New Delhi. Qui évoque par ailleurs un sentiment assez répandu au sein de la population indienne : celui que le gouvernement ne devrait pas ouvrir de discussions avec Islamabad.
Méfiance indienne
Dans ce contexte, peu d’avancées concrètes étaient attendues lors de la rencontre de ce jeudi. "Nous sommes convenus de rester en contact", a assuré Nirupama Rao à l'issue de la réunion, précisant que l'heure n'était cependant pas "encore venue" de reprendre à part entière le dialogue de paix initié en 2004, comme le souhaite le Pakistan. De son côté, Islamabad a jugé "injuste" que l'Inde n'aborde que la question des attentats de Bombay et ignore les autres sujets de conflit entre les deux pays.
"Il faudra sans doute plus que cette journée de pourparlers pour rétablir le dialogue, en particulier sur la question du Cachemire, qui empoisonne les relations indo-pakistanaises depuis des décennies", confirme Philippe Levasseur. Mercredi encore, un garde-frontière indien a été blessé par des tirs venant du côté pakistanais de la frontière, affirment les autorités indiennes. Depuis 1947, la question du Cachemire - sous administration indienne, ce que conteste le Pakistan - a été au centre de deux conflits armés entre les deux pays. Le différend porte notamment sur l’exploitation des eaux de l’Indus, qui coulent au Cachemire.
L’Afghanistan, autre pomme de discorde
Washington aurait joué un rôle-clé dans la reprise du dialogue indo-pakistanais. Les États-Unis souhaitent stabiliser le Pakistan sur sa frontière Est, afin de permettre à Islamabad de concentrer ses efforts sécuritaires sur les régions frontalières avec l’Afghanistan, investies par les Taliban.
Or, l’Afghanistan est aussi un sujet de discorde entre l'Inde et le Pakistan. Islamabad craint en effet que New Delhi ne devienne très influent à Kaboul. "Les marchandises ne peuvent pas circuler librement entre l’Afghanistan et l’Inde à travers le territoire pakistanais, malgré l’accord de libre-échange SAARC [South-Asian Association for Regional Coopération] signé en 1985", explique Alain Lamballe, ancien attaché militaire en Inde et au Pakistan, interrogé sur France 24 ce jeudi. "Du coup, l’Inde tente de contourner le Pakistan, en faisant passer les marchandises par l’Iran : elle a participé à la modernisation du port de Chabahar, a construit des routes dans le sud de l’Afghanistan.... Tout cela préoccupe les Pakistanais", poursuit ce dernier.