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Au Groenland, le Danemark présente ses excuses officielles pour la contraception forcée
La Première ministre danoise Mette Frederiksen doit présenter mercredi à Nuuk des excuses aux Groenlandaises victimes d'une campagne de contraception forcée menée par le Danemark entre les années 1960 et 1990. Selon une enquête, au moins 4 070 femmes se sont fait poser un stérilet, majoritairement sans consentement préalable.
La Première ministre danoise Mette Frederiksen pendant une déclaration à la presse, à Copenhague, le 23 septembre 2025. © Emil Nicolai Helms, Ritzau Scanpix, AFP

"Une page sombre de notre histoire commune". La Première ministre danoise Mette Frederiksen est arrivé mercredi 24 septembre à Nuuk pour présenter ses excuses aux Groenlandaises victimes de la campagne de contraception forcée orchestrée par le Danemark sur l'immense île arctique pendant plus de trois décennies.

Il s'agit d'"une moment marquant", à propos "d'une page sombre de notre histoire commune", a-t-elle écrit sur les réseaux sociaux après avoir atterri au Groenland.

"Ca va être un moment très important pour ces femmes évidemment mais aussi pour la société dans son ensemble", a dit à l'AFP la députée Aaja Chemnitz qui représente le Groenland au Parlement. "C'est un deuxième pas dans le processus de réconciliation après l'annonce des excuses".

La cérémonie doit commencer à 14 h (15 h GMT).

"Fonds de réconciliation" pour les victimes

La campagne, commencée à la fin des années 1960 jusqu'en 1992, visait à réduire le taux de natalité au Groenland.

Fin 1970, au moins 4 070 femmes, soit une femme groenlandaise sur deux en âge de procréer, avaient reçu un stérilet, a conclu une enquête présentée début septembre. L'acte était majoritairement réalisé sans consentement préalable, même quand il s'agissait de mineures.

La pose du contraceptif a généré de multiples complications chez beaucoup de femmes. Nombre d'entre elles sont aussi devenues stériles.

Fin août, la Première ministre danoise Mette Frederiksen a présenté, dans un communiqué, ses excuses aux victimes, accédant à une demande formulée par ces femmes depuis plusieurs années.

Au Groenland, le Danemark présente ses excuses officielles pour la contraception forcée
La Première ministre danoise Mette Frederiksen et le Premier ministre groenlandais Jens-Frederik Nielsen tiennent une conférence de presse devant le palais de Marienborg, à Copenhague, le 27 avril 2025. © Mads Claus Rasmussen, Ritzau Scanpix, AFP

Lundi, elle a annoncé la création d'un "fonds de réconciliation" pour les indemniser, ainsi que d'autres Groenlandais discriminés en raison de leur origine dans d'autres affaires.

"C'est une très bonne nouvelle car mes clientes ne se satisfont pas d'une simple excuse", a affirmé à l'AFP Mads Pramming, avocat de quelque 150 des victimes qui poursuivent l'État danois pour violation de leurs droits humains et demandent réparation. "Le timing est bon, elle n'aurait pas été bien accueillie si elle n'avait rien proposé en avance", a-t-il ajouté.

Entre Nuuk et Copenhague, les pierres d'achoppement sont légion, en particulier les adoptions forcées ou le placement forcé d'enfants groenlandais au Danemark.

"Deuil en communauté"

Le gouvernement danois cherche à apaiser les tensions à l'heure où le Groenland est convoité par les États-Unis de Donald Trump.

"C'est la pression de l'extérieur, particulièrement des États-Unis, qui oblige le Danemark à accroître ses efforts", a estimé Aaja Chemnitz. "Ca fait dix ans que je suis députée et je n'avais jamais vu autant d'efforts avant".

Mette Frederiksen a rompu avec la tradition de ses prédécesseurs qui assuraient que le Danemark n'avait pas de raison de s'excuser.

Au Groenland, le Danemark présente ses excuses officielles pour la contraception forcée
Cette combinaison d'images créée le 20 août 2019 montre la Première ministre danoise Mette Frederiksen et le président américain Donald Trump. © Tobias Schwarz, Nicholas Kamm, AFP

"Par le passé, les Premiers ministres danois ont toujours été extrêmement réticents à reconnaître les injustices commises au Groenland", a affirmé l'historienne Astrid Andersen, chercheuse auprès de l'Institut danois des études internationales.

Sur le dossier "anticonception", tel qu'il est baptisé au Groenland, c'est la prise de parole d'une victime puis une série de podcasts en 2022 qui ont révélé au grand public l'existence de cette campagne de contraception, oubliée des pouvoirs publics et refoulée par les victimes.

Les gouvernement danois et groenlandais étaient alors convenus de lancer une enquête indépendante sur les pratiques contraceptives, dont les conclusions viennent d'être rendues.

"À ce stade, il est important pour de nombreux Groenlandais de faire le deuil en communauté et d'avoir une reconnaissance complète de cet événement horrible qui s'est produit", a noté Astrid  Andersen.

Une autre enquête, sur les implications juridiques, de cette campagne est en cours. Son rapport, qui doit se pencher sur le fait de savoir si le Danemark a ou non commis un "génocide", doit être publié au printemps 2026.

Avec AFP