
Aujourd'hui, j'ai un programme chargé : je dois rencontrer un animateur radio et un homme qui s'occupait de personnes handicapées avant le séisme...
Six heures. Le réveil sonne. J'étais déjà réveillée par les chiens qui ont, comme toutes les nuits, hurlé de faim. Je dois vraiment me dépêcher, j'ai rendez-vous dans une demi-heure avec Vilaire (en photo avec sa famille), mon motard attitré pour la journée.
Aujourd'hui, j'ai un programme chargé. Je dois rencontrer un animateur radio devenu coordinateur de l'aide et de la communication avec l'extérieur. Juste après le séisme, il était le seul en mesure de raconter au monde entier ce qu'il s'était passé. Le mec est un peu prétentieux, pas peu fier d'être passé sur CNN, RMC, FRANCE 24, « et j'en passe, évidemment ». Mais il est aussi très drôle, sympa, réaliste et cultivé. Je reste une demi-heure avec lui, ressors, enfourche la moto et roule jusqu'à Canapé Vert où je dois rencontrer le responsable d'une assoc' qui s'occupait de personnes handicapées avant le séisme.
Devant le local encore debout, personne. À l'intérieur, personne. Je tente de joindre l'homme que j'avais eu la veille au téléphone, mais je tombe directement sur sa messagerie. Pourtant, il faut qu'il vienne absolument.
Le sujet est important : je veux qu'il me raconte ce que c'est que d'être handicapé en Haïti, et savoir ce qui attend les victimes du séisme qui ont perdu une jambe ou une main. Ils sont des milliers. Je veux savoir si la situation des handicapés peut changer après la catastrophe. Vilaire et moi attendons trois quarts d'heure pendant lesquels j'appelle frénétiquement mon contact qui, à l'évidence, m'a posé un lapin. Puis, nous finissons par partir. Je file alors à l'hôpital où j'ai rencontré deux jours plus tôt les pompiers secouristes pour qu'ils me donnent le numéro de Handicap international en Haïti.
À cette occasion, j'en profite pour prendre des nouvelles de Darline, la jeune femme qu'ils ont amputée d'une jambe la semaine dernière. Ils m'emmènent la voir dans sa tente. Ils ont également dû lui couper un bras, la veille. Le seul antidouleur dont elle dispose : des dolipranes. Quand Darline me voit, elle sourit et me lance : "Comment ça va ?" Le monde à l'envers. Moi, ça va. Sa question me noue l'estomac, je ne sais quoi lui répondre. Je me contente de lui sourire. Bêtement.
Je repars et essaie - en vain - d'appeler Handicap international. Plus de réseau téléphonique jusqu'au soir, pas moyen de les joindre autrement. Je suis déçue, car je ne vais pas réussir à faire ce sujet qui me tient vraiment à cour.