Faire l'union après un jeu de massacre de plusieurs mois : c'est le défi posé aux forces de gauche après l'annonce surprise d'une dissolution de l'Assemblée nationale, dimanche 9 juin, par Emmanuel Macron, en réponse au score historique de l'extrême droite française aux élections européennes.
Du premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure à la secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts Marine Tondelier, en passant par le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel ou le député insoumis François Ruffin, les appels à l'union se sont multipliés dimanche soir, alors que se réunissaient spontanément des électeurs de gauche place de la République, à Paris, pour dire non au Rassemblement national.
Mais ces appels à l'union de la gauche étaient accompagnés de messages adressés à Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise (LFI). "Il faut une coalition qui permette de rassembler des gens capables de s’accorder de manière démocratique. Il n'y aura pas d'alignement sur qui que ce soit (...). Une coalition, ce n'est pas le chef décide pour tous les autres, c'est un dialogue permanent, c'est un fonctionnement démocratique, fraternel, qui permet de respecter chaque identité", a notamment prévenu Olivier Faure.
Il faut une coalition à gauche qui permette de rassembler des gens capables de s’accorder de manière démocratique, dans un dialogue permanent et dans le respect de chaque identité politique. C’est indispensable pour battre l'extrême-droite, créer un espoir et l’emporter en 2027. pic.twitter.com/XKnzrcmMf1
— Olivier Faure (@faureolivier) June 9, 2024De son côté, le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, se gardait bien de tout appel à l'union de la gauche, évoquant simplement l'idée de "mener campagne pour aller à Matignon, pour gouverner le pays et pour faire en sorte d'apporter enfin des réponses aux grandes difficultés que rencontrent les Français".
François Ruffin souhaite un nouveau "Front populaire"
Quant à son historique leader et ancien candidat à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, qui souhaitait faire de ces élections européennes le premier tour de l'élection présidentielle de 2027, il en appelait directement aux électeurs, lors d'un meeting improvisé à Stalingrad : "Chacun est capable de faire le choix du programme qui permet l'unité populaire", lançait-il, tout en accusant ses anciens partenaires de gauche en soulignant "la responsabilité désastreuse de tous ceux qui nous ont refusé la possibilité d'entrer dans cette bataille unis en sorte que nous ayons pu disputer au Rassemblement national la tête du résultat".
La nouvelle France doit se dresser. Nous avons gagné le premier tour de l’élection législative de 2022.
Nous pouvons gagner de nouveau et tout changer en utilisant les bulletins de vote !
Peuple des villes et des banlieues, appropriez-vous la France ! Faites en votre patrie ! pic.twitter.com/ydKpZDozDq
Des mots qui sonnent comme un rejet de toute forme d'alliance et qui laissent entendre que les insoumis partiront seuls devant les électeurs. "Quand on est insoumis ou insoumise, on ne craint pas le peuple, c'est le contraire, on a confiance en lui", a d'ailleurs insisté Jean-Luc Mélenchon.
Mais des voix dissonantes se sont fait entendre dimanche soir. Le député LFI François Ruffin a appelé à la constitution d'un nouveau "Front populaire", une référence à la coalition qui avait permis à la gauche de l'emporter en 1936. "Aujourd'hui, le sujet c'est d'avoir un bloc pour faire face à ce qui peut arriver de pire pour notre pays, a-t-il expliqué. J'en appelle aux dirigeants des partis de gauche pour que maintenant on soit unis et qu'on arrête les conneries. Ça a assez duré de s'insulter, ça a assez duré de se déchirer".
François Ruffin: "On a un taré à la tête de l'État" pic.twitter.com/WOWhBhqxIJ
— BFMTV (@BFMTV) June 9, 2024D'autres insoumis "frondeurs" comme Clémentine Autain, Alexis Corbière ou Raquel Garrido ont lancé des appels similaires. Des personnalités insoumises jugées plus compatibles que la direction du mouvement par les autres partis de gauche. La question, désormais, est de savoir s'ils ne seront qu'une poignée ou si une scission peut intervenir à La France insoumise sur cette question de l'union.
Vers une alliance de la gauche sans LFI ?
Une réunion doit se tenir lundi matin "sur un périmètre PS, Place publique, PCF et Écologistes", a indiqué un cadre socialiste à l'AFP. Or, si tout ce petit monde semble s'accorder sur la nécessité de se tenir à l'écart de Jean-Luc Mélenchon, l'accord sur un programme commun est loin d'être gagné d'avance.
En 2022, l'alliance de la Nupes s'était faite sur un programme de rupture par rapport à la social-démocratie version François Hollande. Communistes et écologistes y adhèrent toujours, tandis que les socialistes sont divisés sur cette question. La candidature de Raphaël Glucksmann a permis de mettre en sourdine ce débat le temps de la campagne des européennes, mais il pourrait ressurgir à la faveur des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.
"Au début de notre campagne, on nous expliquait que la gauche de Robert Badinter ou de Jacques Delors était morte. On a montré qu'elle était bien vivante, qu'elle était même capable de susciter l'espérance et l'enthousiasme", a ainsi affirmé le leader de Place publique, fort de ses 14,0 % recueillis aux européennes, tandis que LFI a fini à 10,1 %, EELV à 5,5 % et le PCF à 2,3 %.
Dissolution de l'Assemblée nationale: Raphaël Glucksmann (@rglucks1) appelle au rassemblement d'une "alternative sociale, écologique, démocratique et pro-européenne" pour les élections legislatives à venir pic.twitter.com/ArRVLolhep
— BFMTV (@BFMTV) June 9, 2024Un discours qui sera sans aucun doute appuyé dans les prochains jours par l'ancien président François Hollande ou l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, opposés depuis toujours à la Nupes, mettant ainsi dans l'embarras le patron des socialistes Olivier Faure, qui avait tant fait pour tirer un trait sur cet "ancien PS".
Une nouvelle union de la gauche nécessitera donc de répondre à de nombreuses questions qui devaient se poser pour la prochaine présidentielle, ou les municipales de 2026, mais pas avant le 30 juin 2024.
"On pensait avoir le temps d'ici 2027", a confié la porte-parole du Parti socialiste, Dieynaba Diop, à l'AFP. Mais Emmanuel Macron en a décidé autrement. "Est-ce qu'on veut gagner ensemble ou est-ce qu'on veut perdre séparés ?", a interrogé dimanche soir François Ruffin. Avec seulement quelques jours pour se décider, la gauche est au pied du mur.