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Le Mexique et l'Équateur à couteaux tirés : retour sur une crise diplomatique
Le Mexique a annoncé jeudi avoir déposé une plainte auprès de la Cour internationale de justice, demandant la suspension de l'Équateur des Nations unies. Cette plainte fait suite à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, après un raid de la police équatorienne dans l'ambassade du Mexique à Quito – au mépris du droit international, qui protège les représentations diplomatiques. Explications d'une crise sans précédent.

Le torchon brûle entre le Mexique et l'Équateur. L'événement qui a mis le feu aux poudres : le raid, le 5 avril dernier, de la police équatorienne dans l'ambassade mexicaine à Quito, pour arrêter l'ancien vice-président du pays, Jorge Glas, condamné par contumace pour corruption en Équateur. L'homme est aujourd'hui détenu à la prison de haute sécurité La Roca, à Guayaquil.

Une semaine plus tard, Mexico poursuit Quito devant la Cour internationale de justice (CIJ) et demande la suspension du pays de l'ONU.

Le gouvernement mexicain exige "la suspension de l'Équateur en tant que membre des Nations Unies jusqu'à ce qu'il présente des excuses publiques, reconnaissant les violations des principes fondamentaux et des normes du droit international", a déclaré, le jeudi 11 avril, la ministre mexicaine des Affaires étrangères, Alicia Bárcena.

"Aujourd'hui, sous la protection de l'ordre juridique international et en recourant à la loi, nous avons décidé, sur instruction du président, de demander des comptes à l'Équateur pour sa transgression flagrante de l'inviolabilité de notre ambassade", a ajouté la ministre.

Rappelant que "la Cour internationale de justice est l'organe judiciaire approprié pour déterminer la responsabilité d'un État", le Mexique a également demandé l'établissement d'un précédent selon lequel "tout État ou nation qui agit comme l'Équateur sera définitivement exclu" de l'ONU.

L'administration du président Andrés Manuel López Obrador a insisté sur le fait que "l'Équateur est responsable des dommages que les violations de ses obligations internationales ont causé et continuent de causer au Mexique".

El gobierno de México está pidiendo la suspensión de Ecuador como miembro de Naciones Unidas si no se disculpa por la reciente irrupción en la embajada mexicana en Quito, en una demanda ante la Corte Internacional de Justicia, dijo la canciller Alicia Bárcena.

Foto: Reuters pic.twitter.com/vWBAlU1FcM

— NMás (@nmas) April 11, 2024

Entraînant la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, l'irruption des forces de sécurité équatoriennes dans l'ambassade mexicaine a été condamnée par la plupart des pays de la région, et par les États-Unis, soulignant que l'Équateur a violé la Convention de Vienne, laquelle établit l'inviolabilité des missions diplomatiques.

De son côté, le gouvernement du président équatorien Daniel Noboa persiste à justifier ses actions : il considère "illégale" la protection de l'asile offert par le Mexique en raison des accusations de corruption visant Jorge Glas. Selon le président équatorien, qui a affirmé être prêt à "résoudre tout différend" avec le Mexique, Jorge Glas présentait un "risque imminent d'évasion".

Mais le président mexicain ne le voit pas de cet œil. Il affirme que le recours auprès de la CIJ a pour objectif que "ce type d'agression ne se répète dans aucun pays du monde" et insiste sur la nécessité de "garantir le droit international [pour] que les locaux des ambassades, dans n'importe quelle nation, ne soient pas violés".

Dans un entretien accordé à France 24 le 6 avril, l'ancien président de l'Équateur Rafael Correa, en exil en Belgique, dénonçait une "invasion" qui, dans d'autres circonstances, aurait pu constituer "un casus belli".

À voir L'ex-président équatorien Correa qualifie "d'invasion" le raid contre l'ambassade du Mexique à Quito

De quoi Jorge Glas est-il accusé ?

Réfugié à l'ambassade du Mexique depuis décembre 2023, l'ex-vice-président équatorien Jorge Glas affirme avoir été victime d'un "lawfare" – une utilisation du droit et des institutions judiciaires pour nuire à un adversaire. Il soutient avoir été persécuté politiquement.

Des accusations rejetées par le gouvernement équatorien qui souligne que Jorge Glas faisait l'objet d'un mandat d'arrêt pour détournement de fonds publics dans le cadre de la reconstruction consécutive au séisme ayant frappé la province de Manabí en 2016.

Jorge Glas fut le numéro 2 de l'exécutif entre 2013 et 2017, pendant une partie du mandat de Rafael Correa, puis au début de l'administration de Lenín Moreno, de 2017 à 2018. Il a passé près de cinq ans en prison, entre 2017 et 2022, après une précédente condamnation pour corruption et liens avec l'affaire Odebrecht.

Après l'arrestation de Jorge Glas début avril, son avocate Sonia Vera a indiqué que son client, détenu à la prison de haute sécurité La Roca à Guayaquil, avait entamé une grève de la faim. Il a été hospitalisé en urgence la même semaine en raison d'une possible surdose de médicaments et de son refus de s'alimenter, selon différentes versions.

Une action en habeas corpus

Jeudi, une audience a eu lieu après le recours en habeas corpus présenté lundi 8 avril par Francisco Hidalgo, ancien président du mouvement Révolution citoyenne (RC), militant et ami personnel de Jorge Glas.

Lors de l'audience, Andrés Villegas, avocat de l'ancien vice-président équatorien, a demandé l'annulation de sa détention au motif de son illégalité et de son caractère arbitraire. Selon lui, celle-ci ne répond à aucun critère réglementé et viole ses droits humains en privant Jorge Glas de l'asile que lui avait accordé le Mexique.

Andrés Villegas a également demandé à la chambre de la Cour nationale de justice chargée d'évaluer l'affaire d'habeas corpus de le remettre en liberté et de le confier soit à la mission diplomatique la plus proche – le Mexique ayant fermé son ambassade à Quito à la suite des événements –, soit à l'ambassade d'un autre pays acceptant de l'accueillir en tant que demandeur d'asile.

Le Mexique et l'Équateur à couteaux tirés : retour sur une crise diplomatique

Affaibli, selon ses avocats, par sa grève de la faim, l'ex vice-président équatorien a révélé des détails sur sa détention. Il accuse les forces équatoriennes de l'avoir battu à plusieurs reprises lors de son arrestation, allant même jusqu'à lui démettre deux doigts.

"Il ne leur a pas suffi de me jeter contre le mur, de me frapper la tête contre le mur et de me donner des coups de pied et de genou dans les hanches. Ils m'ont jeté par terre, ont sauté sur moi, m'ont marché sur le cou et m'ont donné des coups de pied dans les côtes", a dit Jorge Glas.

Dans un appel vidéo partagé par l'avocate, il demandait la vérification des caméras de sécurité de l'ambassade. 

"Nous avons visionné les images des caméras de sécurité de l'ambassade du Mexique et nous pensons que ces actions étaient répréhensibles", a déclaré mardi le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan.

Responsable des Affaires étrangères à l'ambassade du Mexique en Équateur, Roberto Canseco a également été convoqué. Il devra témoigner de son altercation avec les forces de sécurité équatoriennes qui se sont introduites dans l'enceinte diplomatique.

Cet article a été adapté de l'espagnol. Retrouvez ici la version originale.