Depuis plusieurs semaines, des opérations militaires – attribuées à l'Ukraine par le Kremlin mais non revendiquées par Kiev – visent le territoire russe. Dernière en date lundi, une incursion armée de combattants venus d'Ukraine dans l'oblast de Belgorod, une région russe frontalière du nord-est de l'Ukraine. Que sait-on des cibles visées ? France 24 fait le point.
La Russie a affirmé mardi 23 mai avoir "écrasé" le groupe ayant attaqué la veille depuis l'Ukraine la région russe de Belgorod. "Lors de l'opération antiterroriste, à l'aide de frappes de l'aviation et de l'artillerie et grâce à l'action des unités de défense des frontières du district militaire de l'Ouest, les formations nationalistes (ukrainiennes) ont été bloquées et écrasées", a indiqué le ministère russe de la Défense dans un communiqué.
L'incursion de lundi, qui comprenait des véhicules blindés, est la plus grande offensive sur le territoire russe depuis le début de la guerre il y a 15 mois. Les détails de l'opération, dont le nombre de combattants impliqués, leur appartenance et l'ampleur des affrontements, n'ont pas pu être confirmés de façon indépendante.
"L'opération de ratissage menée par le ministère de la Défense et les forces de l'ordre se poursuit" dans le district de Graïvoron, a précisé mardi le gouverneur de l'oblast de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, appelant les habitants évacués à ne pas revenir pour l'instant dans leurs maisons.
Lundi, la Fédération de Russie a décrété dans la région un régime "antiterroriste", une première depuis le début de l'offensive en Ukraine en février 2022. Celui-ci permet aux autorités de Moscou de mener des opérations armées, contrôler les civils ou encore évacuer les populations.
À la télévision ukrainienne, Andri Ioussov, un porte-parole de la direction des renseignements du ministère ukrainien de la Défense (GUR), a affirmé que les services de sécurité russes avaient évacué les civils à proximité d'un site de stockage d’armements nucléaires appelé "Belgorod-22", dans l e district de Graïvoron.
Une installation nucléaire visée ?
Selon Glen Grant, analyste senior à la Baltic Security Foundation et spécialiste des questions militaires russes, "ce site sensible représente une cible mais je ne pense pas que les volontaires (qui ont mené les incursions lundi, NDLR) sont entraînés pour transporter des matériaux nucléaires".
Pour Sim Tack, analyste militaire pour Force Analysis, une société de surveillance des conflits, "l'idée que ce groupe de combattants ait voulu désactiver des missiles nucléaires n'est pas crédible".
Pour ces deux experts interrogés par France 24, il faut plutôt rechercher ailleurs la finalité de ces incursions dans la région de Belgorod. "C'est un r aid pour obliger la Russie à garder un œil sur cette zone", estime Sim Tack. "Il s'agit d'une attaque opportuniste", affirme de son côté Glen Grant. "Ces combattants se sont rendu compte que la région était peu ou mal défendue et ils ont démontré aux Russes que des zones de leur territoire n'étaient pas sécurisées afin de provoquer de l'agitation politique en Russie."
Dans la même intervention à la télévision ukrainienne, Andri Ioussov, des services de renseignement ukrainien, évoquait lui la création d'une "zone tampon pour protéger les civils ukrainiens de l'agression russe".
Multiplication des attaques sur le sol russe
Alors que se poursuivent les spéculations sur le calendrier et les modalités de la contre-offensive ukrainienne, les attaques sur le territoire de la Russie se sont multipliées ces dernières semaines.
Depuis le mois de février, des dépôts de carburant dans cette même région de Belgorod ont été plusieurs fois la cible de l'artillerie ukrainienne. Entre le 10 et le 16 avril, son gouverneur avait affirmé que plusieurs obus en provenance du territoire ukrainien avaient touché le village de Voznesenovka. Des médias russes ont également rapporté plusieurs attaques de drones, dont une aurait touché une barrière de protection de l'aéroport de Belgorod.
Ce mois-ci, c'est l'oblast russe de Briansk, lui aussi situé à la frontière nord-est de l'Ukraine, qui a été la cible de plusieurs attaques de drones venant du territoire ukrainien. Sans toutefois les revendiquer, les autorités de Kiev ont démontré avec ces actions la perméabilité de la frontière entre l'Ukraine et la Russie.
Ces derniers mois, d'autres attaques ont visé le territoire russe parfois bien loin des frontières avec l'Ukraine. Le 5 décembre 2022, des drones avait détruit plusieurs appareils russes sur la base aérienne Engels 2, située dans l'oblast de Saratov, à plus de 900 km de la frontière ukrainienne.
Avec AFP et Reuters