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Loup : cohabiter avec un superprédateur
Audio 12:21

Le retour du loup en France est désormais bien établi. De nombreux éleveurs doivent faire face à des attaques sur leurs troupeaux de plus en plus fréquentes. Comment coexister avec ce superprédateur ? La science et la technologie mettent la main à la pâte.

Depuis le début des années 1990, le loup a fait un retour inattendu en Europe continentale. Actuellement, 17 000 individus sont répartis sur le continent. Et il est revenu tout naturellement en France, sans réintroduction. L’animal a simplement traversé les Alpes depuis l’Italie. Depuis, il s’est établi dans de nombreuses régions françaises : les Pyrénées, le Massif Central, le Jura, jusqu'en Normandie et en Bretagne. Certains voient d’un bon œil cette renaissance, d'autres ne sont pas aussi enthousiastes. La cohabitation avec les éleveurs est au cœur du problème. Vaches, brebis, chevaux : en 2021, le loup a tué 12 000 têtes de bétail dans le pays, soit quatre fois plus qu’en 2008. 

Ni ange ni démon

Le Parc Naturel Régional du Vercors est l'un des endroits en France où le retour du loup est observé. Roger Mathieu, de l’association France Nature Environnement, coordonne un groupe d’une vingtaine de naturalistes qui font des suivis de loup dans les Alpes françaises, avec pour objectif de contrôler la population de loups et son évolution. À ce jour, un millier de loups sont présents sur le territoire français. Selon Roger Mathieu, avec une évolution naturelle de la population, d'ici une cinquantaine d’années le loup sera implanté dans bien plus de régions. "Le loup n’est ni un ange ni un démon", estime Roger Mathieu. Et de préciser que le loup n’est pas une espèce dangereuse, les cas d’attaques sérieuses sur des êtres humains étant rarissimes. Cela ne veut pas dire, cependant, que ce prédateur ne pose pas de problèmes.

Élisabeth Moreau, éleveuse de brebis et de chèvres dans le Vercors, en sait quelque chose. "Quand je me suis installée, le loup était déjà là", raconte-t-elle, "de quelques individus, on est passé à des meutes." Elle explique qu'avec l'augmentation de la population de loups et des attaques contre les animaux, il est devenu crucial pour elle de disposer de chiens de protection, les fameux patous : "si on n’a pas les chiens, c’est la fin de notre métier, on n’a plus de bêtes ; en une semaine, ils sont capables de tuer 2 000 animaux". Elisabeth n'est pas contre le loup : "il a le droit d'être là comme nous", affirme-t-elle. "Par contre, c’est la façon dont on considère les éleveurs" qui doit changer. Les indemnités données aux éleveurs pour compenser les pertes, mais aussi les investissements nécessaires ne suffisent pas.

Les mesures élaborées pour garder le contrôle sur le loup

Considérant le coût élevé que les attaques des loups entraînent pour les éleveurs, l'État français a mis en place des mesures pour suivre l’état de la population du grand prédateur et même intervenir si nécessaire. Ce travail est effectué par l'Office Français de la Biodiversité, notamment par sa Police de l'environnement. Nicolas Jean explique que l’État français a mis en place tout un système de protection des troupeaux qui vont de l’aide au gardiennage, à l’utilisation de chiens de protection et de filets autour des troupeaux. Il explique aussi que, même si le loup est une espèce protégée, s’il continue à attaquer les troupeaux, il peut y avoir la mise en place de tirs dérogatoires, donc l’éleveur peut faire abattre le loup. "Réapprendre à vivre avec le sauvage, c'est une question d'équilibre, de dialogue, avec des mesures parfois acceptées, parfois moins bien acceptées, mais toujours dans un esprit de cohabitation intelligente entre la nature et les activités humaines", conclut Nicolas Jean.

Le chien de protection de troupeau, le patou, est d’une aide cruciale pour les éleveurs afin de mieux coexister avec le loup. Il est donc essentiel que les chiens soient bien entraînés pour limiter les attaques de loups, sans représenter non plus un danger pour les voisins ou les promeneurs, par exemple. "Il y a un intérêt à ce que les chiens sachent discerner correctement ce qui est une menace pour leur troupeau et ce qui n’en est pas forcément", explique Camille Fraissard, éthologue et spécialiste des chiens de protection.

La technologie peut également améliorer l'efficacité des chiens de protection et aider les éleveurs à s’adapter à la présence des prédateurs. La start-up Keepio a développé un objet connecté pour la surveillance des troupeaux, un collier que portent les chiens de protection qui permet de savoir où le troupeau est situé et de voir s’il y a des comportements anormaux parmi les bêtes. "Le fait de voir ce qui se passe permet de matérialiser comment les attaques de loup se déroulent, et comment les chiens travaillent", explique Jonathan Bard, co-fondateur de Keepio. La preuve que technologie et science nous aident à mieux coexister avec la nature.