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À ses soldats, la patrie pas reconnaissante

Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a apporté son soutien aux deux frères d'origine sénégalaise, l'un "para", l'autre ancien militaire, dont la nationalité française est contestée par la Cour de cassation.

La situation est kafkaïenne. Et c’est Hervé Morin, ministre de la Défense, qui le dit. Deux frères d’origine sénégalaise, Amara et Ounoussou Guissé, respectivement ex-caporal chef et brigadier de l’armée française, se voient contester leur nationalité française par la justice. Leur tort ? Avoir eu un père, aujourd'hui décédé, dont l'histoire a bousculé l'état civil. Né ressortissant français dans la colonie sénégalaise, il résidait au Havre en 1960, année de l’indépendance du pays, où sa famille était demeurée.

Une raison suffisante pour la Cour de cassation de remettre aujourd’hui en cause la nationalité des frères Guissé. Le brigadier Ounoussou Guissé, 29 ans, du 1er régiment de hussards parachutistes de Tarbes (Hautes-Pyrénées), a comparu, le 6 octobre, devant la cour d'appel de Rouen pour tenter de conserver sa nationalité française et le droit de servir son pays. La cour, saisie d'un appel du parquet contre une décision qui donnait raison au jeune homme, a mis son arrêt en délibéré jusqu'au 18 novembre.

Idem pour le frère aîné, Amara, 31 ans, ancien du 12e régiment d'artillerie d'Oberhoffen (Bas-Rhin), qui a reçu, en mars 2007, un courrier du tribunal de grande instance de Strasbourg contestant sa nationalité.

Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a reçu les deux frères, lundi, à l'Hôtel de Brienne, siège du ministère de la Défense, pour leur apporter son soutien.

"Ce sont des procédures qui relèvent plus de Kafka que d’une République qui cherche à réconcilier les hommes", s’est insurgé Hervé Morin, entouré des deux hommes en uniforme, arborant les médailles gagnées en Bosnie et en Afghanistan.

Faits d'armes exemplaires

Dans une vidéo diffusée sur le site du ministère, Hervé Morin explique qu’"il n’est pas question de remettre en question leur engagement" dans les armées, notant qu’Ounoussou "a fait son service national en France, et à ce moment-là, personne n’a contesté sa nationalité française".

Pour ce qui est de l’engagement, leurs faits d'armes sont exemplaires. Amara Guissé s’est distingué dans sept opérations extérieures, suivies de 11 ans dans l’armée française comme artilleur. Le cadet, Ounoussou, appartient à un "régiment d’élite à Tarbes" qui l’a conduit au Tchad et en Afghanistan. "J’ai toujours défendu et respecté l’indépendance de la justice. Cependant, dans l’hypothèse où la justice viendrait à refuser la nationalité française à nos deux soldats, une nouvelle procédure serait engagée et leur permettrait probablement de voir leurs droits reconnus très rapidement", a rassuré Hervé Morin.

Dans un communiqué, le ministre précise que le Code civil ouvre trois voies à Onoussou et Amara Guissé "s'ils souhaitent obtenir la nationalité française". Ils peuvent arguer de la "possession d'état de Français depuis plus de dix ans". Ils peuvent aussi demander leur naturalisation auprès de la préfecture de leur département en demandant qu'il soit tenu compte "des services accomplis dans l'armée française". Enfin "ils peuvent attester de services exceptionnels rendus à la France".

Si on se réfère au Petit Robert 2007 qui définit la naturalisation comme une "concession par acte souverain du chef de l’Etat de la nationalité d’un pays donné à une personne qui ne possède pas cette nationalité à raison de sa naissance, si elle le demande et si elle remplit les conditions exigées par la loi", il apparaît, qu’au-delà de son soutien, Hervé Morin ne considère pas les frères Guissé comme tout à fait français.

(Crédit photo: Pellegrino / ECPAD)