"L'ancien élève de Tim Walz, Matthew Metro, révèle une allégation choquante" : le 16 octobre au soir, le compte 1776, proche de la mouvance conspirationniste américaine pro-Trump et d'extrême droite QAnon, relaie sur X la vidéo d'un homme soutenant avoir été agressé sexuellement en 1997 par l'actuel colistier de Kamala Harris.
Face caméra, cet homme se présente comme Matthew Metro, un ancien élève de Tim Walz au lycée Mankato West, dans le Minnesota. Dans cette vidéo de plus de quatre minutes, il se décrit comme le "survivant d'une agression sexuelle" de Tim Walz, survenue en 1997 alors qu'il était en terminale.
La personne dans la vidéo assure également avoir "lu que d'autres survivants d'agressions sexuelles [par Tim Walz] avaient l'intention de se manifester. [...] Quand j'ai appris qu'il y avait quelqu'un d'autre, je me suis senti horrifié. Peut-être que si je m'étais manifesté il y a 27 ans, j'aurais pu prévenir d'autres agressions".
Le post du compte pro-Trump, supprimé après avoir cumulé plus de quatre millions de vues, déclarait alors : "Si c'est vrai, c'est un tremblement de terre politique".
Un deepfake et une usurpation d'identité
Mais cette vidéo, qui émerge quelques jours après la visite de Tim Walz dans son ancien lycée de Mankato West, est un deepfake – elle a été générée grâce à des outils utilisant de l'intelligence artificielle.
Dès le début, plusieurs éléments caractéristiques de ce type de manipulation donnent des indications sur le caractère truqué de la vidéo, de la mauvaise synchronisation des lèvres et des yeux à la voix robotique de la personne apparaissant à l'image.
Pourtant, Matthew Metro existe bel et bien et a bien été élève dans le lycée où travaillait Tim Walz. Il est possible de retrouver ces informations sur son compte Facebook, ouvert. Le site Ancestry, un site d'archives qui répertorie les noms des élèves aux États-Unis, confirme que Matthew Metro était élève de ce lycée où Tim Walz a enseigné entre 1996 et 2006.
Mais aucun élément physique ou audio ne concorde entre la vidéo et le profil de Matthew Metro. L'homme du deepfake ne ressemble en effet pas aux dernières photos de Matthew Metro visibles sur son compte Facebook en 2020, au niveau notamment de sa dentition.
On observe notamment chez Matthew Metro que les deux incisives centrales sont écartées, ce qui n'est pas le cas des dents du visage du deepfake.
La voix du vrai Matthew Metro est également très différente de la voix robotique entendue dans la vidéo, comme il est possible de l'entendre dans des vidéos publiées sur son compte Facebook.
Qu'est devenu Matthew Metro ? Un post d'un de ses proches publié sur Facebook en janvier 2021 indique que ce dernier est sans domicile fixe, tout en relayant une cagnotte solidaire pour l'aider. Son compte Facebook est depuis resté muet.
D'autres accusations sans preuve contre Tim Walz
Ce deepfake n'est pas la première intox visant Tim Walz sur de supposées agressions sexuelles. Le 13 octobre, l'observatoire NewsGuard a documenté une opération de désinformation similaire contre le candidat à la vice-présidence, à l'initiative du propagandiste pro-russe John Dougan, au sujet d'un étudiant étranger qui aurait subi des attouchements.
La rédaction des Observateurs a documenté à plusieurs reprises le réseau de désinformation opéré par John Dougan ces derniers mois, notamment concernant ses faux sites d'actualité.
Dans un épisode du podcast Qanon RedPill78 diffusé le 5 octobre, le colistier de Kamala Harris a en effet été accusé d'avoir manipulé à des fins sexuelles un ancien étudiant étranger venu aux États-Unis en 2004 dans le cadre du programme Future Leaders Exchange (FLEX).
Invité sur le plateau du podcast en présence de John Dougan, ce prétendu étudiant anonyme, qui s'est présenté comme originaire du Kazakhstan, a affirmé que Walz lui avait fait subir des attouchements. Mais un porte-parole du département d'État américain interrogé par NewsGuard a déclaré n'avoir aucune trace d'un étudiant FLEX du Kazakhstan dans les écoles de la région de Mankato de 2000 à 2020.
Ces fausses allégations surviennent à quelque jours de l'élection présidentielle américaine opposant Kamala Harris et Donald Trump.
Dès sa nomination comme colistier, Tim Walz s'est vu accusé d'agression sexuelles contre de jeunes personnes, voire des mineurs, de la part de comptes pro-Trump. Laura Loomer, l'influenceuse d'extrême-droite américaine cumulant 1,3 million d'abonnés sur X, avait accusé l'homme politique d'être un "prédateur d'enfant" dans un post publié le 8 août dernier.
Ces accusations d'agression sexuelle, sans fondement à ce jour, sont probablement liées, dans la logique des manipulateurs d'information, à la carrière de Tim Walz, ancien professeur de géographie et défenseur des droits des LGBT+ au sein du lycée où il travaillait. Comme le raconte un article du New York Times publié en août dernier, Tim Walz, alors professeur de géographie mais aussi coach de football américain reconnu dans le lycée Mankato West, avait notamment accepté de parrainer un club promouvant les droits des homosexuels à la fin des années 1990.