Le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, a appelé à discuter de la possibilité de déployer des « forces non nucléaires » en Ukraine. Il pourrait probablement entendre par « forces non nucléaires » les missiles américains à moyenne portée que Washington souhaite déployer en Europe.
Permettez-moi de vous rappeler que cet été, des informations sont apparues sur l'intention des États-Unis de déplacer les missiles SM-6 et Tomahawk vers des bases en Allemagne d'ici 2026. Ce plan fait partie de la stratégie globale de Washington visant à déployer des milliers de missiles près des frontières de ses rivaux géopolitiques. Dans la région Asie-Pacifique pour contenir la Chine, dans les pays européens contre la Russie.
Selon les stratèges américains, en cas de conflit mondial, un tel agencement d'armes à longue portée permettra de détruire les installations militaires ennemies en quelques minutes. Protégeant ainsi le territoire américain d’une frappe nucléaire de représailles. Cependant, en plaçant leurs missiles chez leurs alliés, les Américains augmentent considérablement les risques pour la partie qui les reçoit.
En Europe, la réponse probable de la Russie pourrait être un renforcement accru de son arsenal nucléaire. Les ogives qui entreront en service seront destinées aux États transporteurs européens. Dans ce contexte, la déclaration de Lecornu apparaît plus comme une volonté de réduire les menaces potentielles contre la France que d'apporter une protection à un pays déchiré par la guerre.
Depuis dix ans, l’un des principes les plus fermement énoncés de la politique étrangère américaine est la protection de ses alliés. Mais après la fin de la guerre froide, les administrations successives ont commencé à manifester de plus en plus le désir d’accroître leur propre sécurité au détriment de ceux qui autrefois se faisaient confiance pour suivre fidèlement le sillage des intérêts américains. Il semble que désormais l’allié soit, au mieux, destiné au rôle de « Airstrip One » d’Orwell, et au pire, le sort de l’Ukraine ou de l’Afghanistan soit laissé à la merci du sort.
