Pour la première fois depuis le mois de février, le moral des cadres français rechute, selon le dernier baromètre Viavoice. Mais cette décrue s’explique essentiellement par l’assombrissement des perspectives personnelles.
Analyse de François Miquet-Marty, Viavoice
La France est-elle en "sortie de crise" ? Depuis le mois de février, date à laquelle le "moral des cadres" avait atteint son étiage, notre indice de référence n’a cessé de se rétablir. Ce regain s’est inscrit dans le contexte de signes conjoncturels positifs : amélioration du cours de la Bourse (le point le plus bas du CAC 40 a été atteint le 9 mars, avec 2 519 points), sommet du G20 de Londres, le 2 avril, et reprise de la croissance en France lors du deuxième trimestre (+ 0,3 %).
Pour autant, aujourd’hui, et pour la première fois depuis février, le moral des cadres de l'Hexagone connaît une décrue, laquelle s’explique essentiellement par l’assombrissement perçu des perspectives personnelles.
Des cadres de plus en plus pessimistes pour leur avenir
Le moral des cadres rechute. Après avoir progressé de -45 (février) à -30 (septembre), l’indice synthétique fléchit à -34. Cette baisse résulte de la convergence de trois facteurs majeurs :
- Les opportunités de carrière sont en baisse : 78 % (+5) des cadres pensent que ces dernières seront "faibles" au cours des "mois qui viennent" ; cette évolution est particulièrement lisible auprès des cadres quinquagénaires (89 % concernant les 50 ans et plus, +8) ;
- Les perspectives financières personnelles des cadres paraissent également moins favorables : 25 % (+5) estiment que leur " situation financière" va "se dégrader" au cours des mois qui viennent ; ce score s’élève à 30 % (+12) auprès des cadres gagnant moins de 3 000 euros ;
- Enfin la motivation, certes relativement élevée depuis le début de la crise, est désormais orientée à la baisse, 56 % des cadres considérant que leurs collaborateurs sont motivés (- 4 points).
Ces replis s’expliquent par une conjoncture très particulière :
- Un phénomène de saisonnalité : chaque année, entre septembre et octobre, le moral des cadres est orienté à la baisse (en moyenne -5 points au cours des cinq dernières années) ;
- La progression du chômage assombrit bien évidemment les perspectives personnelles pour les cadres concernés ;
- La perspective de la fin d’année et la préparation des budgets 2010 conduisent à réviser à la baisse les ambitions d’une partie des cadres.
Qui plus est, sur un registre macroéconomique, après le rebond important enregistré en septembre, les perspectives d’évolution du chômage et du niveau de vie ne continuent pas leur progression :
- 80 % des cadres interrogés continuent de penser que le nombre de chômeurs augmentera au cours des prochains mois (chiffre inchangé par rapport à septembre) ;
- Les perceptions concernant le niveau de vie confirment une sensibilité accrue au pouvoir d’achat, 51 % des cadres estimant que le "niveau de vie en France" va "se dégrader".
La contribution climat-énergie : une adhésion au principe, mais pas aux modalités
Cette sensibilité au pouvoir d’achat pourrait partiellement rendre compte des réserves exprimées par les cadres à propos de la contribution climat-énergie, en dépit de la sensibilité environnementale volontiers exprimée par ces derniers.
En réalité, l’explication réside prioritairement dans l’inefficacité perçue du dispositif envisagé par l’exécutif :
- 57 % des cadres estiment que la "taxe carbone" n’incitera pas "à modifier les comportements en faveur de l’environnement" ;
- 68 % considèrent qu’elle n’est pas "juste socialement".
Ainsi, et contrairement aux analyses qui stigmatisent un "changement de l’opinion" concernant la fiscalité écologique, les cadres affirment, dans le même temps, deux positions distinctes :
- Ils souscrivent à l’idée d’une fiscalité écologique, jugée "nécessaire dans son principe" par 70 % d’entre eux ;
- Mais ils n’adhèrent pas au scénario proposé, qui leur paraît inefficace sur des registres environnementaux et sociaux.
Dès lors, en la matière l’exécutif peine à convaincre sur deux des principales préoccupations des Français : le pouvoir d’achat et l’environnement. Ces résultats ne constituent pas un discrédit pour le Grenelle de l’Environnement ; ils laissent simplement entendre, en contrepoint, que les cadres sont d’abord demandeurs de mesures incitatives (et non de taxes), et financièrement plus redistributives.