logo

En Algérie, les annonces d’Abdelaziz Bouteflika ont laissé la population "abasourdie". Si le renoncement du président à se présenter pour un cinquième mandat est vu comme une victoire, le report de l'élection est, lui, source d’inquiétude.

"Une demi-victoire", "une victoire confisquée". En Algérie, les annonces du président Abdelaziz Bouteflika ont soufflé le chaud et le froid, lundi 11 mars. Le chef de l’État a déclaré qu’il ne serait pas candidat à un cinquième mandat – accédant ainsi à une revendication des Algériens dans la rue depuis le 22 février – mais a, dans le même temps, reporté à une date inconnue le scrutin du 18 avril, ouvrant de fait la voie à un prolongement de son quatrième mandat. Des déclarations qui, au-delà des scènes de liesse, ont laissé la population "abasourdie", explique Meriem Amellal Lalmas, journaliste à France 24.

"Les Algériens sont sceptiques, ils attendent de digérer ces informations", commente-t-elle. "D’un côté, c’est une victoire car il y a eu une réponse du gouvernement, et le renoncement à un cinquième mandat était la revendication première du mouvement. Mais cette demande a évolué et le peuple réclame désormais le départ du système." Une demande à laquelle le gouvernement algérien semble loin d’avoir accédé.

Les Algériens "sceptiques" après les annonces de Bouteflika

Le président octogénaire, qui a fait savoir que la date de la prochaine présidentielle serait fixée lors d’une conférence nationale, restera en effet en fonctions au-delà de l'expiration de son mandat le 28 avril 2019 et ce jusqu'à ce que le nom d'un nouveau président sorte des urnes. Abdelaziz Bouteflika a par ailleurs nommé le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, au poste de Premier ministre et l'a chargé de former le nouveau gouvernement. Le diplomate Ramtane Lamamra a quant à lui été nommé au poste de vice-Premier ministre, une première depuis 2012.

"Une manipulation grossière"

"Noureddine Bedoui fait partie du système depuis des années. Il s’était lié d’amitié avec le frère du président, Nacer Bouteflika, lorsqu’il était membre du gouvernement entre 2014 et 2015", rappelle Samir Yahiaoui, membre du mouvement Ibtykar. "Le clan Bouteflika est en train de manœuvrer une énième fois. On nous dit que c’est un renoncement, mais non, c’est une prolongation. (...) Le clan présidentiel veut gagner un an pour placer encore un de leurs hommes", ajoute-t-il, évoquant "une manipulation grossière".

Reflet de la frustration qui s’est emparée de nombreux Algériens, le principal quotidien du pays, El Watan, a dénoncé, en une de son édition de mardi, "la dernière ruse de Bouteflika".

A lire sur #El_Watan demain (Une photo de meilleure qualité !) #Algerie #présidentielle #Election_reportee #nonau5emandat #Bouteflika pic.twitter.com/XQZehJXUwR

  ouahib sofia (@sofiaouahib) 11 mars 2019

Le dessinateur de presse Ali Dilem, observateur incisif de la vie politique algérienne, a quant à lui résumé, dans un dessin publié sur Twitter, la nouvelle équation. Sous le titre "Bouteflika renonce à un cinquième mandat de cinq ans", on y voit le chef de l'État dire "à la place, je ferai un quatrième mandat de 10 ans".

"Selon plusieurs juristes algériens, ce procédé est illégal"

Cette prolongation soulève par ailleurs des questions d’ordre juridique. "Selon plusieurs juristes algériens, ce procédé est illégal. On ne peut pas amender la Constitution sans aucune raison", commente encore Meriem Amellal Lalmas. Aucun texte, Constitution ou loi n'a d’ailleurs été invoqué dans le message d’Abdelaziz Bouteflika pour reporter la présidentielle.

"D’autre part, la Constitution algérienne ne prévoit pas de vice-Premier ministre."

Certains Algériens ont réagi à ces annonces en invitant à poursuivre la mobilisation. Sur les réseaux sociaux, un message se propageait lundi soir : "Non à l'arnaque du peuple, rendez-vous le 15 mars", pour un quatrième vendredi consécutif de manifestations.