La situation du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, cheville ouvrière de l'accord sur le nucléaire, restait confuse mardi. Le président Rohani doit toujours se prononcer sur la démission du ministre annoncée lundi.
La démission du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, sera-t-elle effective ou non ? Alors que le ministre des Affaires étrangères a annoncé sa démission lundi via un post Instagram, la confusion règne mardi 26 février en Iran sur son acceptation ou non par le président Hassan Rohani.
Plusieurs appels ont été lancés à l'adresse du président pour le presser de refuser le départ de son ministre qui occupe le poste depuis 2013. Le député réformiste Mostafa Kavakebian a notamment appelé le président Rohani à ne pas accepter la démission de Mohammad Javad Zarif. "Une grande majorité des députés exige que le président n'accepte jamais cette démission", a-t-il dit sur Twitter.
"J'espère que ma démission agira comme un coup de trique qui permettra au ministère des Affaires étrangères de retrouver son statut légal en matière de relations internationales", a dit Mohammad Javad Zarif, cité par l'agence officielle Irna.
Selon Irna, Mohammad Javad Zarif s'adressait au personnel de son administration et réagissait à une rumeur selon laquelle de nombreux diplomates s'apprêteraient à démissionner si son départ devait se confirmer. Il a appelé ses collègues à s'"abstenir" d'agir de la sorte.
Mohammad Javad Zarif avait annoncé tard lundi soir sa démission dans un court message sur son compte Instagram, dans lequel il s'excusait "pour tous [ses] manquements dans l'exercice de [ses] fonctions", sans détailler les raisons de sa décision.
Flou sur la décision de Rohani
S'exprimant dans la matinée de mardi, le président Rohani n'a pas directement réagi à la démission de Mohammad Javad Zarif qu'il a loué pour être "sur la ligne de front contre les États-Unis" et l'a remercié pour "sa dévotion et son aptitude". Il a également précisé que son homologue syrien avait remercié "le ministère iranien des Affaires étrangères" durant sa visite.
Dans l'après-midi, une prise de parole a suscité le trouble. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bahram Qasemi, dont les propos sont rapportés par Fars, a indiqué : "Toutes les interprétations, toutes les analyses sur les raisons qui seraient derrière la démission du ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, au-delà de ce qu'il a écrit sur son compte Instagram, ne sont pas pertinentes et, comme l'a dit aujourd'hui le directeur de cabinet du président (Rohani), cette démission n'a pas été acceptée."
L'agence de presse Reuters a ensuite émis une alerte sur le fait que le rejet de la démission par Hassan Rohani avait été confirmé sur le compte Instagram de la présidence. À tort. Il s'agissait un fait d'un message d'un compte non-officiel. L'agence de presse a rapidement publié un démenti.
"Pour l'instant, c'est le plus grand flou sur le fait de savoir si le président Rohani ou le guide suprême accepte la démission du ministre des Affaires étrangères," résume Siavosh Ghazi, le correspondant de RFI et France 24 en Iran.
Une décision liée à la visite d'Assad ?
Les raisons qui ont conduit Javad Zarif à prendre cette décision sont largement commentées. Selon le site d'information Entekhab, la décision est liée à la visite surprise lundi à Téhéran du président syrien Bachar al-Assad. Mohammad Javad Zarif n'était présent à aucune des rencontres qu'a eues Bachar el-Assad avec le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, et Hassan Rohani. Entekhab laisse entendre qu'il n'aurait pas apprécié d'être mis sur la touche.
La stratégie américaine de mise au banc de l’Iran serait d’ailleurs à compter parmi les facteurs de la démission de Mohammad Javad Zarif, selon Armelle Charrier, analyste de géopolitique sur France 24. "Tout le monde s’attendait à ce que la décision de Donald Trump de se retirer de l’accord nucléaire de Vienne ait des conséquences en Iran, que cela fragilise les équipes en place. C’est tout un courant de la seconde génération de la révolution islamique, plus éduquée, plus tournée vers l’international, qui est ébranlé", explique Armelle Charrier.
Les réactions internationales donnent la mesure des crispations et de la défiance vis-à-vis de la diplomatie d’ouverture menée par Mohammad Javad Zarif. Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a sobrement "pris note" de la démission de son homologue iranien, jugeant que MM. Javad Zarif et Rohani présentaient le même "visage d'une mafia religieuse corrompue". Résolument opposé à l'accord de Vienne, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré sur Twitter : "Zarif est parti, bon débarras. Tant que je serai là, l'Iran n'aura pas de bombes nucléaires".
Mohammad Javad Zarif a été le négociateur en chef, côté iranien, de l'accord conclu en juillet 2015 entre Téhéran et le Groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne) pour mettre fin à 12 ans de crise autour de la question nucléaire iranienne. Les critiques des ultraconservateurs se sont intensifiées contre Mohammad Javad Zarif après la décision du président américain Donald Trump de retirer unilatéralement son pays de ce pacte en mai 2018.
Avec AFP et Reuters