Le "backstop", cette clause de sauvegarde censée éviter le rétablissement d'une frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord après le Brexit, est au centre des débats au Parlement britannique. Explications.
Les députés britanniques ont invité mardi 29 janvier la Première ministre Theresa May à aller renégocier le "backstop", ce "filet de sécurité" censé éviter le rétablissement d'une frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord après le Brexit, ce que Bruxelles a exclu.
Le "backstop", proposé par le négociateur de l'UE Michel Barnier, est une clause temporaire de sauvegarde pour conserver cette frontière ouverte aux biens et aux personnes. Le temps de se mettre d’accord sur la "relation future" entre l’UE et Londres, l’Irlande du Nord resterait alignée sur les normes européennes pour éviter de remettre en place les contrôles des biens avec la République d’Irlande.
Voici les enjeux de ce "backstop", qui a contribué à bloquer au Parlement britannique l'adoption du plan de sortie négocié par Theresa May avec l'Union européenne.
Consensus pour éviter un retour à une "frontière dure"
En 1998, l'accord du Vendredi saint ( The Good Friday Agreement), ou accord de Belfast, conclu entre le Royaume-Uni et l'Irlande a mis fin à trente ans de violences en Irlande du Nord. Il a permis de supprimer les contrôles le long des 500 km de frontière entre la province britannique et la République d'Irlande, avec la mise en place dans toute l'île de règles et d'institutions qui font de l'Irlande du Nord un cas spécifique au sein du Royaume-Uni.
Focus : La frontière irlandaise, pierre d'achoppement du Brexit
Le Brexit pourrait entraîner de nouveaux contrôles le long de la frontière. Un attentat commis ce mois-ci à Londonderry par un groupe antibritannique a fait craindre un retour à la violence.
Quelle solution ?
Theresa May assure qu'un accord commercial et douanier spécifique avec l'UE, à négocier pendant une période de transition qui pourra durer de 20 à 44 mois, devrait permettre d'éviter le rétablissement de contrôles poussés à la frontière irlandaise.
Mais le gouvernement irlandais de Dublin, soutenu par ses partenaires européens, veut des assurances au cas où les futures négociations commerciales échoueraient.
Quelles assurances ?
L'accord de retrait que Theresa May a conclu en novembre dernier avec l'UE précise que le Royaume-Uni restera dans l'union douanière jusqu'à ce que d'autres arrangements soient trouvés pour éviter le rétablissement d'une frontière physique en Irlande.
L'UE a proposé de maintenir l'Irlande du Nord dans sa zone économique, ce que refusent Theresa May et les unionistes nord-irlandais qui assurent à la Première ministre une majorité au Parlement britannique, et pour qui cela risquerait d'aboutir à une "annexion" de l'Irlande du Nord par Dublin.
Les objections des députés britanniques
Nombreux sont les parlementaires britanniques qui répugnent à voir le Royaume-Uni demeurer lié aux règles européennes et à des droits de douanes qui empêcheraient Londres de conclure ses propres accords commerciaux. Pour eux, il s'agirait alors d'un "faux Brexit".
Theresa May a insisté pour que l'UE fixe une date limite au "backstop", peut-être en 2021. Certains gouvernements européens n'excluent pas une telle échéance, mais peut-être plus proche de 2025 que de 2021. Une idée que repoussent d'autres pays de l'Union, à commencer par l'Irlande.
Que faire maintenant ?
C'est la totale incertitude. Rien ne laisse supposer que Theresa May parviendra à convaincre son Parlement, qui a massivement rejeté il y a deux semaines son projet d'accord.
L'UE affirme qu'elle ne renégociera ni l'accord de retrait, ni le protocole sur le "backstop". Elle pourrait toutefois revoir la déclaration politique sur les futures relations commerciales entre Londres et l'UE après le Brexit, afin d'éviter si possible le recours à cette clause de sauvegarde, par exemple en maintenant le Royaume-Uni dans une union douanière, ce à quoi Theresa May est opposée.
Et s’il n’y a pas d’accord ?
Si chacun campe sur ses positions, le Royaume-Uni quittera l'UE le 29 mars à 23 h GMT. Les gouvernements de Londres et de Dublin ont fait savoir qu'ils n'avaient pas l'intention d'imposer des contrôles douaniers à la frontière. Mais Bruxelles a clairement indiqué qu'un Brexit sans accord signifierait le retour à une frontière dure, sous une forme ou sous une autre.
Dublin dans l’incertitude
Les partenaires européens de l'Irlande ont affirmé qu'ils se tenaient au côté du Dublin et défendraient le "backstop". Mais ils veulent aussi éviter le "no deal", un Brexit sans accord. Si cela n'est pas possible, l'Irlande ne pourra pas laisser longtemps ouverte la seule frontière terrestre entre l'UE et le Royaume-Uni.
Et si les Irlandais ne sont pas en mesure de contrôler les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, l'UE risque de se demander un jour si les exportations irlandaises vers le reste de l'Union ne doivent pas à leur tour faire l'objet de contrôles.
Avec Reuters
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