Édouard Philippe reçoit lundi les chefs des grands partis politiques pour tenter de trouver une issue à la crise des "Gilets jaunes". Dans le même temps, les premières condamnations judiciaires de casseurs devraient tomber.
L'exécutif français aura attendu deux semaines après le début du mouvement des "Gilets jaunes", et le surlendemain d'une éruption de violences dans Paris, pour lancer une grande consulation politique, lundi 3 décembre, et écouter les revendications de ce mouvement de colère populaire. Le Premier ministre Edouard Philippe est à la manoeuvre pour tenter de trouver une solution à cette crise, la plus grave de l'ère Macron.
Annulant sa venue à la COP24 à Cracovie (Pologne), le Premier ministre Edouard Philippe a reçu lundi les patrons des principaux partis politiques français. Première étape d'une semaine chargée qui le verra également ouvrir les portes de Matignon aux "Gilets jaunes" : il "recevra mardi après-midi les membres du collectif ayant sollicité un rendez-vous", précise un communiqué.

Rentré dimanche d'Argentine, Emmanuel Macron ne s'est pas exprimé après être venu constater les dégâts impressionnants à l'Arc de Triomphe et sur l'avenue Kléber. Son agenda public, diffusé dimanche soir par l'Elysée, ne mentionne aucun évènement pour la journée de lundi.
Matignon a annoncé lundi matin qu'Edouard Philippe dévoilerait de nouvelles "mesures" après les consultations, afin "de permettre le déroulement serein" de la concertation de trois mois voulue par l'exécutif. Un débat aura également lieu à l'Assemblée nationale mercredi et au Sénat jeudi, en vertu de l'article 50-1 de la Constitution, c'est-à-dire sans que la responsabilité du gouvernement ne soit engagée. Matignon n'a pas précisé dans l'immédiat si ce débat donnerait lieu ou non à un vote.
Matignon comme fusible
À la sortie de son entrevue avec le Premier ministre, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a indiqué que le Parti socialiste rejoindrait l'initiative d'une motion de censure des députés communistes : "Si d’ici ce soir, l’exécutif n’a pas donné de solution acceptable, nous nous associerons à une motion de censure contre le gouvernement". Le Parti socialiste réclame le rétablissement de l'ISF et des "Etats généraux" sur la fiscalité, le pouvoir d'achat et l'environnement.
Le #PS a remis à @EPhilippePM des propositions parmi lesquelles restauration de l’Isf moratoire sur les taxes #GiletJaunes pic.twitter.com/HXhjvx4sa9
peuron laurence (@LaurencePeuron) 3 décembre 2018De leur côté, les représentants du parti Les Républicains ont exigé l'organisation d'un référendum national. À leur sortie d'une rencontre avec Édouard Philippe, Laurent Wauquiez a critiqué devant la presse un gouvernement qui n'est "pas à la hauteur".
Sont entre autres reçus à Matignon : Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Olivier Faure (PS), Benoît Hamon (Génération-s), Jean-Christophe Lagarde (UDI), Marine Le Pen (RN), Florian Philippot (Patriotes) ou encore Laurent Wauquiez (LR). Le MoDem de François Bayrou, qui a pris quelque distance avec la fermeté affichée par l'exécutif, sera représenté par sa vice-présidente, Marielle de Sarnez.
Quelle réponse politique ?
La contestation désorganisée des "Gilets jaunes", née de l'opposition à la hausse des taxes sur le carburant, est la plus sérieuse secousse du quinquennat d'Emmanuel Macron. Les oppositions rivalisent de suggestions institutionnelles, de la dissolution pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon au référendum proposé par Laurent Wauquiez. Jusqu'au départ de M. Macron prôné par le député insoumis François Ruffin.
La plupart demandent un "moratoire" sur la hausse prévue au 1er janvier. L'une des figures des "Gilets jaunes", Jacline Mouraud, en fait un préalable à des discussions avec le gouvernement. Parmi les autres revendications des manifestants figure notamment la réintroduction immédiate de l'impôt sur la fortune.
Y aura-t-il une quatrième manifestation samedi à Paris, alors que des appels en ce sens circulent déjà sur les réseaux sociaux ? "On verra dans quel état sera l'exécutif", a cinglé dimanche Gérard Larcher. Le président du Sénat (Les Républicains), qui verra mardi le chef de l'Etat, a sévèrement critiqué la gestion du maintien de l'ordre. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'Etat Laurent Nunez seront entendus mardi au Palais du Luxembourg.
Comparutions immédiates
Sur le plan judiciaire, une riposte s'est mise en place au lendemain de violences "sans précédent" à Paris, selon le préfet de police Michel Delpuech. Quelque 139 suspects majeurs ont été présentés à ce stade à la justice tandis que 111 ont vu leur garde à vue prolongée.
Dès lundi et mardi, des dizaines de suspects seront jugés au tribunal correctionnel de Paris lors d'audiences de comparution immédiate. Cinq audiences de comparution immédiate sont prévues lundi, contre trois habituellement, et quatre mardi. Les audiences de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), une procédure qui permet d'éviter un procès, seront aussi doublées, selon le procureur de Paris Rémy Heitz.
Les prévenus devront répondre des chefs d'"actes de violence sur personne dépositaire de l'autorité publique", "dégradations sur des biens destinés à l'utilité publique", "regroupements en vue de commettre des violences", ou encore "port d'armes", des qualifications passibles de 3 à 7 ans d'emprisonnement, a indiqué le procureur.
Dépôts de carburant bloqués
Lundi matin, onze dépôts importants de carburant exploités par Total étaient toujours bloqués et 75 stations-service sur les 2.200 appartenant au groupe pétrolier étaient à sec, a fait savoir un porte-parole, qui a fait état de nombreux barrages
Beaucoup de stations-services du Finistère et du Morbihan étaient en rupture totale ou partielle de carburant dès dimanche, conséquence du blocage des dépôts pétroliers de Lorient et Brest par des indépendants du BTP rejoints par des "gilets jaunes".
Dans un communiqué dimanche soir, le préfet du Finistère Pascal Lelarge a annoncé des restrictions d'usage à compter de lundi 3 décembre "afin de garantir l'accès au carburant au plus grand nombre et la capacité des services de secours et d'urgence à intervenir".
Avec AFP et Reuters