Alors que les bénévoles affluent pour venir en aide aux rescapés des incendies qui ont fait 80 morts à l’est d’Athènes, les autorités grecques s'orientent désormais vers la piste criminelle.
La piste criminelle est désormais privilégiée en Grèce. Le ministre adjoint à la Protection du citoyen, Nikos Toskas, a annoncé jeudi 26 juillet, lors d'une conférence de presse que la justice avait été saisie d'un élément sérieux accréditant cette thèse pour l'incendie qui a fait plus de 80 morts lundi à l'est d'Athènes.
"Pour le feu qui a commencé au mont Pendeli" et s'est propagé à Mati, la ville où se trouvaient la grande majorité des 87 morts, "on se pose de nombreuses questions et je ne vous cache pas qu'un élément sérieux nous a conduit à ouvrir une enquête", a indiqué M. Toskas lors d'une conférence de presse avec le porte-parole du gouvernement Dimitris Tzanakopoulos et les chefs des pompiers et de la police.
Pour le feu à Kineta à l'ouest d'Athènes, qui s'est déclaré quelques heures avant celui de Pendeli, sans faire de victimes, le ministre a indiqué qu'il existait aussi "de sérieux éléments et des traces" pouvant faire penser à un "incendie volontaire". "Il y a des témoignages mais je ne peux rien dire de plus actuellement", a-t-il ajouté.
Le gouvernement a transmis tous ces éléments à la justice qui viendront alimenter l'enquête préliminaire ouverte mardi par la Cour suprême.
Toute la journée, l'identification des morts s'est poursuivie, les médecins légistes espérant conclure ce travail d'ici à samedi, grâce à l'ADN de proches supposés. Il y a "beaucoup de corps calcinés, ce qui complique la procédure", a indiqué l'un d'eux à l'agence grecque ANA.
Polémique lancée par l’opposition
Mais, pour l’opposition, évoquer la piste criminelle revient à se dédouaner de toute responsabilité. En accusant le gouvernement de ne pas avoir rempli ses devoirs, elle a suscité la polémique vendredi. "Ce spectacle déplorable de rejet de toute responsabilité ne peut provoquer que de la colère", a déclaré le principal parti d'opposition, la Nouvelle-Démocratie (droite). "Incapables et provocateurs", titrait en une sur une photo du gouvernement le quotidien Ta Néa, proche de cette formation. "Pas une seule démission", s'est aussi indigné l'un des dirigeants de l'opposition centriste, Stavros Théodorakis.
Sur les plateaux de télévisions et sur les ondes, les divers services impliqués se renvoyaient aussi la balle. Evangelos Bournous, le maire de Rafina, dont dépend en partie la localité de Mati, la plus frappée par les feux, a jugé que la police et les pompiers avaient contribué à piéger les habitants en fermant la route principale longeant le secteur.
Des responsables policiers et des pompiers avaient auparavant affirmé ne pas avoir bloqué cette issue.
Beaucoup de victimes sont mortes en tentant de rallier la mer, à l'accès parfois barré par des falaises, par des rues "larges d'à peine 3 ou 4 mètres", a précisé le maire. "Nous sommes tous responsables, gouvernements, services et citoyens", a-t-il toutefois ajouté, précisant que sa maison familiale, qui a brûlé, avait, comme beaucoup des quelque 4 000 autres de Mati, été construite illégalement au milieu de la pinède il y a plusieurs décennies.
La promotion immobilière sauvage pointée du doigt
La mise en cause de la promotion immobilière sauvage, plus ou moins légalisée a posteriori, et du non-respect généralisé des normes d'aménagement du territoire pour cause d'indiscipline citoyenne et de complaisance officielle, est un exercice récurrent en Grèce, après chaque catastrophe.
"La question désormais est de savoir ce qui peut être fait [pour éviter une nouvelle tragédie]", soulignait l'éditorial du quotidien libéral Kathimerini.
Le ministre de la Défense, Panos Kammenos, a toutefois heurté beaucoup de Grecs en rejetant devant un micro de la BBC la faute sur les propriétaires : "Il est temps qu'ils comprennent que c'est dangereux pour eux et leurs familles de ne pas suivre les règles et les lois", a-t-il affirmé lors d'une tournée sur place.
Élan de solidarité
À Mati, où 49 % des maisons ont été déclarées inhabitables, les rescapés continuaient vendredi de tenter de sauver ce qui pouvait encore l'être, soutenus depuis lundi par un vaste élan de solidarité, avec l'afflux de dons et de volontaires.
Les rescapés étaient pris en charge par des associations, qui fournissent hébergement dans les villes voisines, vêtements et nourriture. Les volontaires s'affairaient ainsi jeudi dans un gymnase de Rafina, proche de Mati, au milieu de montagnes de vêtements, de nourriture ou de couches pour bébés.
Tout en se gardant de critiquer frontalement le gouvernement pendant la période de deuil national de trois jours, le chef du principal parti d'opposition, Nouvelle Démocratie, Kyriakos Mitsotakis, s'est rendu sur les lieux du drame pour la deuxième fois en deux jours jeudi, pour exprimer sa solidarité aux familles des victimes.
Avec AFP