
Après neuf années d'atermoiements politiques, les élections législatives ont enfin eu lieu au Liban, dimanche 6 mai. Le scrutin, désormais basé sur la proportionnelle, ne devrait toutefois pas rebattre les cartes politiques.
Les électeurs libanais étaient appelés dimanche 6 mai à élire leurs députés, neuf ans après les dernières législatives organisées au pays du Cèdre, miné par des divisions politiques chroniques et une économie au ralenti. À la mi-journée, le taux de participation s'élevait à 24,5 %, selon le ministère de l'Intérieur.
Si plusieurs listes de candidats indépendants ou issus de mouvements de la société civile se sont jetées dans la bataille, selon les experts, les grands partis libanais, comme le puissant Hezbollah chiite, allié de la Syrie et de l'Iran, le Courant patriotique libre du président Michel Aoun, et le Courant du futur du Premier ministre Saad Hariri devraient, toutefois, une nouvelle fois se partager les 128 sièges du Parlement.
Face à la faible participation, le Hezbollah a demandé aux autorités de prolonger de deux heures l'ouverture des bureaux de vote, selon son numéro deux, Naïm Qassem. Les bureaux de vote devaient normalement fermer à 19 h locales (16 h GMT), mais le président Michel Aoun a indiqué aux Libanais à la télévision : "Si vous étiez présents (dans les bureaux), le délai sera prolongé pour que tout le monde puisse voter".
Le scrutin du 6 mai se tient selon les modalités prévues par une nouvelle loi électorale, adoptée en juin 2017 après des années de tractations entre les différentes forces politiques, qui se partagent les sièges, répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans. Les dernières législatives remontent à juin 2009, les députés, ayant prorogé leur mandat à trois reprises, en 2013, 2014 et 2017, invoquant la nécessité d'amender la loi électorale.
La nouvelle législation est désormais basée sur la proportionnelle, contre un scrutin uninominal majoritaire auparavant. Les électeurs pouvaient alors voter en sélectionnant leurs candidats au sein de plusieurs listes. Désormais, ils ne pourront choisir qu'entre des listes de candidats fixes. Le nouveau système accorde un "vote préférentiel", au sein de la liste sélectionnée, à leur candidat préféré. Un vote préférentiel qui pourrait faire la différence dans des circonscriptions très disputées.
it
La participation à ces législatives sera scrutée de près, dans un climat de défiance d’une partie de la société civile qui dénonce le clientélisme, la corruption et la gabegie de la classe politique libanaise aux commandes d’un pays resté plus de deux ans sans chef d'État, jusqu’à l’élection en octobre 2016 le président Michel Aoun.
Échos du conflit syrien
Le Liban, qui accueille 1,5 million de réfugiés venus de la Syrie voisine, n'échappe pas aux répercussions du conflit. Le Hezbollah intervient d'ailleurs militairement au côté du régime syrien, et même si cet engagement divise la classe politique, les candidats se sont abstenus d'évoquer la délicate question de son arsenal militaire.
Indépendamment de l'issue du scrutin, le Hezbollah, seule formation à ne pas avoir abandonné les armes après la guerre civile (1975-1990), devrait continuer de dominer la scène politique.
"Le nouveau Parlement ne sera pas une source de nuisance pour le Hezbollah. Il bénéficiera de l'absence d'une large coalition face à lui", confirme Imad Salamey, professeur de sciences politiques à l'Université libanaise américaine (LAU), à Beyrouth.
Malgré les divergences et parfois même l'animosité, les décisions politiques majeures sont souvent prises par consensus entre les forces politiques rivales, le Hezbollah, le Premier ministre Saad Hariri et le président Michel Aoun orchestrant le jeu.
Le Premier ministre Hariri, soutenu par l'Arabie saoudite, devrait conserver son poste, même si sa formation, le Courant du Futur, risque de perdre plusieurs sièges.
Cartes rebattues à la marge
La nouvelle loi électorale adoptée en 2017 a incité des candidats de la société civile à tenter une percée. C'est le cas notamment de la coalition Koullouna Watani, qui appelle les électeurs à se mobiliser contre l'establishment politique traditionnel.
"Si le taux de participation s'avère plus important que lors des précédentes élections, cela signifiera plus de voix allouées aux listes de la société civile", estime l'expert Said Sanadiki, évoquant une "majorité silencieuse" qui boude généralement les scrutins.
Les prochains élus devront se pencher sur des questions politiques, mais aussi économiques majeures, dans un pays habitué aux coupures d'électricité quotidiennes, aux pénuries d'eau et à un problème de gestion des déchets ménagers qui perdure depuis trois ans.
Le Liban doit par ailleurs se lancer dans ses premières explorations d'hydrocarbures en Méditerranée, une possible manne financière pour un pays qui croule sous une dette publique culminant à 150 % du PIB, le troisième taux le plus élevé à l'échelle mondiale.
Avec notre envoyé spécial Marc Daou et l'AFP