
Kim Jong-un se serait "engagé à la dénucléarisation", lors de sa visite en Chine. Une vieille rengaine de la diplomatie nord-coréenne remise au goût du jour par le leader actuel pour assouvir son besoin de reconnaissance internationale.
Annonce choc ? À l’issue de la visite surprise de Kim Jong-un en Chine, Pékin a déclaré, mercredi 28 mars, que le leader nord-coréen s’était “engagé à la dénucléarisation”.
Une telle prise de position de la part de Pyongyang ressemble à un virage à 180 degrés par rapport à l’attachement manifesté par Kim Jong-un pour son programme nucléaire. En novembre 2017, la Corée du Nord procédait en effet à un essai de missile balistique intercontinental capable, en théorie, de frapper le sol nord-américain.
Rien de neuf sous le soleil
En réalité, il n’y a rien (ou presque) de neuf sous le soleil nord-coréen. “C’est la position traditionnelle du régime de Pyongyang qui s’est toujours déclaré prêt à la dénucléarisation si une série de conditions étaient remplies”, explique Sebastian Harnisch, spécialiste de la Corée du Nord à l’université de Heidelberg, en Allemagne, contacté par France 24.
Ces préalables sont définis par le régime nord-coréen comme la “fin de la politique hostile des États-Unis à l’égard de la Corée du Nord et des menaces nucléaires des États-Unis”. Concrètement, il n’y aura pas de dénucléarisation tant que “l’alliance stratégique entre la Corée du Sud et les États-Unis ne sera pas rompue, que les relations diplomatiques avec Washington ne se seront pas normalisées ou encore que les sanctions internationales n’auront pas été levées”, décrypte Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine et des deux Corées au sein de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) , contacté par France 24.
Kim Jong-un reste fidèle à ce crédo diplomatique. Tout au plus, juge Sebastian Harnisch, n’a-t-il pas adopté la position maximaliste qui a pu être celle de la Corée du Nord. Pyongyang a refusé, par le passé, de s'asseoir à la table des négociations avec la communauté internationale pour discuter de son programme nucléaire si les États-Unis n’acceptaient pas ses conditions. Cette fois-ci, le dirigeant nord-coréen a donné son accord pour un sommet avec la Corée du Sud et une rencontre avec le président américain Donald Trump sans demander d’engagement préalable.
Le leader nord-coréen cherche, en fait, à profiter sur la scène diplomatique de sa démonstration de force de fin 2017. “En prouvant qu’il pouvait, en théorie, frapper le territoire américain, il a franchi un palier politique qui a consolidé son pouvoir en interne”, note Antoine Bondaz. Kim Jong-un a pu, par la suite, annoncé qu’il arrêtait ses tests nucléaires et balistiques le temps des négociations. Puisqu’il avait démontré sa capacité à toucher “l’ennemi” américain, ce gage de bonne volonté “ne lui coûtait rien politiquement”, explique le spécialiste français.
Une dénucléarisation peut en cacher une autre
Après Kim le foudre de guerre nucléaire en 2017, le leader nord-coréen “est entré dans une nouvelle séquence diplomatique débutée par la participation aux Jeux olympiques à Séoul en février 2018”, souligne Antoine Bondaz. Outre Xi Jinping à Pékin, et bientôt le président sud-coréen Moon Jae-in et, peut-être, Donald Trump, Kim Jong-un pourrait aussi rencontrer prochainement le président russe Vladimir Poutine, juge l’expert allemand Sebastian Harnisch. Une tournée des grandes puissances rendue possible par la promesse de dénucléarisation. Elle représente la carotte nord-coréenne pour amener les uns et les autres à la table des négociations et les inciter à faire des concessions, ce qui procurerait une légitimité internationale au régime de Pyongyang.
“La question est, en fait, de savoir combien d’armes la Corée du Nord est prête à sacrifier pour que Kim Jong-un puisse avoir sa photo avec les grands dirigeants du monde, y compris Donald Trump”, ajoute le spécialiste. Antoine Bondaz juge, pour sa part, que la prochaine étape consiste à négocier l’arrêt du programme nucléaire nord-coréen. Un sujet épineux pour Pyongyang puisqu’un tel engagement signifierait autoriser des inspecteurs internationaux à vérifier régulièrement que la Corée du Nord tienne ses engagements.
Mais, attention, une dénucléarisation peut en cacher une autre. La Corée du Nord n’est pas prête à tirer un trait sur sa puissance atomique. Selon Sebastian Harnisch, “ l ’élite, en s’appuyant sur les précédents historiques de pays qui ont abandonné leurs ambitions nucléaires comme l’Ukraine, la Libye et l’Irak, sait très bien que le régime risquerait de ne pas y survivre” .