
L'écrevisse marbrée est la seule espèce de crustacé à dix pattes capable de se reproduire seule. Au grand dam de certaines régions, où son omniprésence menace l'écosystème.
"On dirait le mauvais scénario d'un film d'horreur." Voilà comment le magazine Science décrit la découverte d'une écrevisse capable de se cloner, et plus précisément de s'autocloner. En l'espace de deux décennies, ces clones voraces ont envahi l'Europe et l'Afrique, "dévastant des écosystèmes et menaçant des espèces originaires de ces régions".
Pourtant, explique le New York Times, il y a encore 25 ans, cette espèce n'existait pas. "Une seule mutation drastique chez une seule écrevisse a donné naissance à l'écrevisse marbrée [Procambarus fallax forma virginalis] en un instant. La mutation a permis à la créature de se cloner." Cette espèce serait née quand deux écrevisses molles, importées de Floride, et placées ensemble dans un aquarium en Allemagne, se sont reproduites. La suite est détaillée dans le quotidien new-yorkais.
"L'une d'entre elles avait vu l'une de ses cellules sexuelles muter, mais les scientifiques ne peuvent pas dire de laquelle il s'agissait." Les cellules sexuelles normales contiennent une seule copie de chaque chromosome. Mais l'écrevisse mutante en présentait deux. D'une façon ou d'une autre, les deux cellules sexuelles ont fusionné et ont produit un embryon d'écrevisse femelle, avec trois copies de chaque chromosome au lieu des deux normaux. La nouvelle écrevisse, sans trop qu'on sache comment, là aussi, n'a pas souffert de déformations avec cet ADN supplémentaire. Elle a grandi et s'est développée. Au lieu de se reproduire sexuellement, elle a ainsi été capable de créer ses propres œufs et de les diviser en embryons. Les petites, toutes des femelles, ont hérité de copies identiques des trois mêmes groupes de chromosomes. C'était des clones."
Wander into the shallows of a European lake at dusk. Turn on the headlamps, and wait for them: mutant crayfish clones. Thousands of them. https://t.co/xdDZQx8N9g
— The New York Times (@nytimes) 7 février 2018
Une stratégie perdante sur le long-terme
Cette espèce est rapidement devenue invasive et menace aujourd'hui les autres espèces d'écrevisses à Madagascar, notamment. L'Union européenne a depuis interdit sa vente et sa distribution. Il faut dire que son mode de reproduction lui permet de ne produire que des progénitures fertiles et donc de voir sa population exploser, poursuit le New York Times. Pour le Dr. Abraham Tucker, de l'université d'Arkansas-Sud, cette asexualité "est une fantastique stratégie à court-terme". À long-terme, la reproduction sexuée permet aux animaux de mieux combattre les maladies", explique le quotidien américain.
"Si un pathogène trouve un moyen d'attaquer un clone, sa stratégie marchera sur tous les autres. La reproduction sexuée d'espèces crée de nouvelles combinaisons, ce qui augmente les chances de développer une défense." Autant dire que si l'écrevisse marbrée est susceptible d'embêter son monde pour encore pas mal de temps, au bout d'un moment, elle devrait finir par disparaître. Peut-être dans 100 000 ans, évoque Frank Lyko, biologiste au centre de recherche allemand sur le cancer et co-auteur de l'article scientifique paru dans Nature Ecology & Evolution. "C'est long pour nous, mais à l'échelle de l'évolution, c'est complètement insignifiant."
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