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Brexit : l’Irlande s’enfonce dans une crise politique alors que se jouent des négociations cruciales

En pleines négociations tendues sur sa frontière avec l’Irlande du Nord, Dublin se prépare à une semaine cruciale en politique avec un vote de confiance prévu mardi et dont l’issue pourrait déclencher des élections anticipées.

Les prochains jours seront déterminants en Irlande, au moment où le pays est en pleines négociations cruciales au sujet du Brexit. Le gouvernement risque fortement de ne pas remporter le vote de confiance au parlement prévu mardi 28 novembre. Des élections générales anticipées pourraient donc être déclenchées… au plus mauvais moment.

La motion de censure a été déposée contre la vice-Première ministre, Frances Fitzgerald, accusée d'avoir dissimulé aux parlementaires des informations au sujet d'un scandale qui éclabousse la police depuis 2014. La polémique a déjà provoqué la démission d'un ministre de la Justice, de deux chefs de la police et, en début d'année, le départ précipité du Premier ministre Enda Kenny, remplacé en juin par Leo Varadkar.

Actuellement minoritaire, le gouvernement, dirigé par le Fine Gael, ne tient que grâce à un accord passé en 2016 avec le rival de toujours, le Fianna Fáil, lui aussi de centre-droit, qui s'est engagé à voter le budget pendant trois ans et la confiance à l'exécutif.

Or, la motion de défiance déposée par le leader du Fianna Fáil enfreint cet accord et fera imploser la coalition si elle est votée. "Je ne souhaite aucunement des élections générales et je ne pense pas que Micheál Martin en veuille non plus", a affirmé vendredi soir à la télévision le Premier ministre après avoir rencontré le chef de file du Fianna Fáil, avec qui il devait rester en contact ce weekend pour tenter de résoudre la crise.

La frontière entre les deux Irlandes au coeur du débat

Pour Leo Varadkar, il est essentiel d'avoir un exécutif stable et bien en place pour défendre la position irlandaise quant à la future frontière avec l'Irlande du Nord. Cette question est l'une des plus complexes à traiter dans le cadre des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). En effet, le rétablissement d'une frontière physique entre la République d'Irlande, membre de l'UE, et l'Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, risque de mettre à mal l'accord de paix signé en 1998 pour mettre un terme à des décennies de violences meurtrières dans la région entre protestants favorables à la tutelle britannique et catholiques nationalistes irlandais.

Les autorités estiment que 30 000 personnes franchissent chaque jour la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord, sans le moindre contrôle.

Malgré ce contexte tendu, la tenue d'élections anticipées paraît probable puisque les deux partis campent sur leur position, le Fianna Fáil réclamant le départ de la vice-Première ministre et le Fine Gael s'affirmant solidaire de Frances Fitzgerald.

"Les principaux acteurs se sont eux-mêmes enfermés dans cette position", observe David Farrell, directeur du département de science politique à University College Dublin (UCD). Pour expliquer l'initiative du Fianna Fáil, Michael Marsh, professeur de science politique au Trinity College de Dublin, estime, quant à lui, qu’il est probable que son leader soit "sous pression de certains membres de son parti" et que le dépôt de la motion de défiance vise "peut-être à ne pas céder du terrain au Sinn Féin". Ce parti d'opposition rival a lui aussi déposé une motion contre Frances Fitzgerald, dont seule une démission semble pouvoir désamorcer la crise.

Une campagne pour des élections anticipée déjà amorcée

Mais la plupart des commentateurs estiment que la campagne a déjà commencé avec, en préambule, chaque parti rejetant la faute sur l'autre. D'après David Farrell, malheur au parti qui sera perçu comme responsable de ces élections imprévues, car "les politiques gardent en mémoire le résultat des dernières élections en Grande Bretagne", lors desquelles Theresa May a perdu sa majorité au lieu de la conforter.

Dans les rues de Dublin, nombreux sont ceux qui se disent opposés à un nouveau vote. "J'ai l'impression qu'il s'agit plus de jeux politiciens que d'un vrai problème", explique Louise, enseignante de 30 ans dans une école primaire, prête à retourner voter, même si elle jugeait que "le gouvernement faisait son travail". Même tonalité chez Padraig O'Neill, la cinquantaine, directeur de lycée, qui "espère que les deux leaders pourront trouver un compromis qui leur permette de sauver la face".

Avec AFP