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À Sarajevo, la condamnation de Mladic est "une consolation"

, à Sarajevo – Ratko Mladic, ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, a été condamné à perpétuité mercredi pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre par le TPIY. L’émotion est immense à Sarajevo, assiégée par ses troupes entre 1992 et 1995.

Nous sommes le mercredi 22 novembre. Ratko Mladic, l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, vient d’être condamné à perpétuité pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de la Haye, aux Pays-Bas.

Il est un peu plus de midi dans ce quartier d’affaires de Sarajevo, traversé par la principale avenue de la capitale bosnienne, connue autrefois sous le nom de "Sniper Alley". Des snipers serbes étaient logés dans les étages des hauts bâtiments bordant l’avenue. Ici, un millier de Sarajéviens ont été tués pendant le siège de la ville, entre 1992 et 1995, qui a coûté la vie à plus de 10 000 personnes.

"Mes enfants ne savent pas ce que c’est d’avoir un père"

Sabija, la cinquantaine, une habitante du quartier, s’en souvient. Elle a du mal à contenir ses larmes en apprenant la nouvelle, historique : "Même si aucune peine n’est suffisante à l’encontre de Mladic et qu’elle ne fera pas revenir nos proches, c’est une consolation de savoir qu’il est condamné à perpétuité. Mes enfants ne savent pas ce que c’est d’avoir un père. Le leur a été tué pendant le siège." La guerre en Bosnie a fait plus de 100 000 morts et plus de deux millions de déplacés.

Sabija est assise sur un banc au pied d’un immeuble encore criblé de balles. C’est justement ici que le jeune frère de Nina a été touché par un tir de sniper à l’époque. Cette quadragénaire refuse de "penser" à la guerre mais rappelle que le général bosno-serbe "a au moins été rattrapé par la justice". "Beaucoup d’autres criminels de guerre, certes de moindre importance, n’ont jamais été inquiétés."

Esma, une cadre qui travaille dans une tour à côté, réagit en entendant l’échange entre les deux femmes. Elle était réfugiée aux États-Unis pendant la guerre : "Je n’avais que 12 ans mais je tenais à sensibiliser mon entourage là-bas sur ce qui se passait en Bosnie. Mon vocabulaire s’était construit sur des expressions telles que ‘viol de masse’ et ‘massacre’ dans deux langues différentes. Pendant le procès, j'étais contente de savoir qu'il n’a pas supporté qu’on le mette devant ses responsabilités. Ce n’est qu’un lâche." Ratko Mladic a été en effet évacué de la salle d'audience après s'être levé et avoir crié aux juges qu'ils mentaient.

"Mladic m’a pris mon enfance"

Belma, elle aussi, était une enfant pendant le siège. "Cette condamnation, elle est importante pour tous ceux qui recherchent encore des proches, ceux dont les foyers et le bonheur ont été détruits. Moi, Mladic m’a pris mon enfance, mes poupées, la santé de ma famille, et ne m’a laissé que des tombes. À tous, il nous a confisqués le mois de juillet, que je déteste", explique-t-elle. C’est en effet le 11 juillet que l’on commémore le génocide de Srebrenica, qui a fait plus de 8 000 morts en 1995.

Les associations de victimes, elles, ne sont que partiellement satisfaites. Elles estimaient qu’une autre peine que la perpétuité aurait été humiliante pour les survivants. Mais elles regrettent que les juges du TPIY n'aient pas retenu le crime de génocide contre Ratko Mladic dans plusieurs autres villes que Srebrenica, des localités de Bosnie orientale. "Nous continuerons à nous battre pour la vérité mais ce verdict est historique ", estime Munira Subašić, de l’association des mères de Srebrenica.

Du côté de la République serbe, l’une des deux entités qui compose la Bosnie-Herzégovine avec la Fédération croato-bosniaque, ce sont plutôt des messages de soutien qui affluent envers Ratko Mladic. Ce matin, Srebrenica s’est levé avec des affiches à l’effigie de l’ancien général bosno-serbe, décrit comme "notre héros".

Milorad Dodik, le président de l’entité serbe, qui a estimé la veille du jugement que Ratko Mladic était une "légende", a vu ce verdict comme "une claque honteuse infligée au peuple serbe". Plus de 22 ans après la fin de la guerre, la Bosnie reste plus divisée que jamais.