
Les députés votent à l'Assemblée nationale lors d'un débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, le 12 novembre 2025 à Paris. © Christophe Ena, AP
Ambiance tendue à l'Assemblée nationale. Après une soirée marquée par un compromis surprise sur la contribution sociale généralisée (CSG), le gouvernement tente, vendredi 5 décembre, de verrouiller un vote décisif : celui de la partie "recettes" du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Un test politique majeur, alors que le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a assuré qu'il n'y avait "pas d'autre horizon" qu'un texte adopté mardi, évoquant "un moment de grande gravité".
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Qu'ont voté exactement les députés sur la CSG ?
C'était l'un des points les plus inflammables du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) : la hausse de la CSG sur le patrimoine, dont LR et Horizons ne voulaient pas. Jeudi, peu avant minuit, les députés ont finalement adopté une version allégée de cette mesure par un amendement du gouvernement excluant notamment les plans épargne logement (PEL), l'assurance vie ou encore les revenus fonciers.
À la demande de la droite, les petits épargnants ont été exclus du dispositif. Pour arracher ce compromis, le gouvernement dit avoir cherché à la fois à "sécuriser des recettes" et "assurer que les classes moyennes ne soient pas impactées". Résultat attendu : 1,5 milliard d'euros de rendement, contre 2,8 milliards dans la version initiale.
Le compromis a été adopté par 177 voix contre 84, avec 92 abstentions – dont celles de La France insoumise et de plusieurs députés Les Républicains. De quoi donner un semblant de respiration à l'exécutif, sans totalement éteindre les tensions.
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Que doit encore voter l'Assemblée ?
Les députés doivent trancher vendredi sur la partie "recettes" du budget 2026, c'est-à-dire l'ensemble des ressources à la disposition de l'État pour la mise en œuvre des politiques publiques. Un vote à haut risque : son rejet vaudrait rejet de tout le texte et une suite plus qu'incertaine, alors que le budget de la Sécu doit être voté avant le 31 décembre.
Peu avant l'ouverture de la séance, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a pourtant assuré sur TF1 croire en une "majorité absolue" prête à soutenir le compromis. "Je crois que c'est possible" d'obtenir un vote favorable vendredi, a renchéri sur Franceinfo le ministre délégué aux Relations avec le Parlement, Laurent Panifous.
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Quelle est la stratégie du gouvernement ?
Face à une majorité introuvable, l'exécutif déroule une stratégie d'apaisement. Premier geste d'ouverture : pas de hausse des franchises médicales, ni par décret ni via le budget. Les franchises médicales sont le reste à charge payé par les patients, par exemple sur les boîtes de médicaments. Les franchises sur ces dernières passeraient de 1 à 2 euros si elles étaient doublées.
Mais "le gouvernement prend acte du fait que dans la majorité de ce pays, manifestement, cette proposition ne fait pas consensus et que donc elle ne peut être incluse dans nos projections financières", a déclaré la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.
Le gouvernement envisage aussi de lâcher du lest sur l'objectif des dépenses de l'Assurance maladie (l'Ondam) et de les augmenter "jusqu'à 2,5 %", contre une hausse d'environ 2 % prévue dans la version initiale. Amélie de Montchalin s'est aussi engagée à "accompagner un compromis" sur "l'année blanche" concernant les retraites et les minima sociaux, c'est-à-dire leur non-indexation sur l'inflation.
En parallèle, le Premier ministre Sébastien Lecornu joue la carte de la pression, rappelant qu'un rejet du texte entraînerait un déficit "de 29 ou 30 milliards d'euros" pour la Sécu l'an prochain, loin des 20 milliards visés par le gouvernement.
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Le 49.3 peut-il revenir dans la partie ?
Sur les bancs de l'Assemblée, certains alliés de la majorité – notamment chez Horizons ou au sein de LR – pressent l'exécutif d'activer l'article 49.3 de la Constitution pour permettre au Premier ministre de faire adopter le projet de loi sans vote.
Mais Sébastien Lecornu s'y refuse catégoriquement. "Vous avez critiqué le 49.3 pendant des années et, au moment où nous le laissons tomber, vous continuez de critiquer", a-t-il lancé.
Pour l'heure, l'exécutif maintient donc son pari : trouver une majorité sans passer en force. "Ce qui permet aujourd'hui ce débat, ce qui fait qu'on envisage peut-être de pouvoir y arriver, c'est parce qu'il n'y a pas eu de 49.3", a également martelé Laurent Panifous sur Franceinfo.
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À quoi s'attendre pour la suite ?
Le vote final du 9 décembre approche et l'équation politique reste très incertaine. Le texte, réécrit depuis mardi en nouvelle lecture, a déjà perdu au Sénat plusieurs concessions faites à la gauche, notamment la suspension temporaire de la réforme des retraites.
Des concessions que désapprouvent le groupe Horizons et Les Républicains. En l'état, "on ne peut pas voter pour", a tranché Édouard Philippe, chef des députés Horizons qui oscillent à ce stade entre abstention et vote contre.
L'ex-Premier ministre Michel Barnier (LR) a aussi affirmé dans Les Échos qu'il ne le votera pas "en l'état". Face au rejet attendu du Rassemblement national, de son allié l'UDR et de LFI, l'absence de soutien des deux groupes à la droite du camp gouvernemental pourrait concourir à faire tomber le texte, même avec des votes "pour" du PS.
De leur côté, les socialistes ont finalement accepté une taxe sur les mutuelles censée rapporter un milliard d'euros, qu'ils avaient rejetée en première lecture. Un "compromis qui s'esquisse", selon le leader de Place publique, Raphaël Glucksmann.
Avec AFP
