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La pauvreté ne recule pas en France, alerte le Secours catholique

Le rapport annuel du Secours catholique sur l'état de la pauvreté en France a été publié jeudi . Entretien avec Brigitte Alsberge, responsable du département Solidarités familiales au Secours catholique.

Comme chaque année, le Secours catholique rend publique son enquête sur l'état de la pauvreté en France. En 2016, l'association a accueilli quelque 1,5   million de personnes, dont près de la moitié sont des enfants.

Les femmes apparaissent toujours comme les plus vulnérables. L’extrême pauvreté touche de plus en plus, et indistinctement, des couples et des familles entières dans un état de "précarisation croissante".

Selon l'Insee, 9 millions de personnes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté en France.

Entretien avec Brigitte Alsberge, responsable du département Solidarités familiales au Secours catholique

France   24   : Les femmes représentent plus de la majorité des adultes accueillis par le Secours catholique. Quel est le profil de ces femmes   ?

Brigitte Alsberge : En effet, les femmes représentent 56,3 % des adultes pris en charge par les équipes du Secours catholique en 2016. Parmi elles, on retrouve des femmes seules (17,1   %), mais aussi beaucoup de mères isolées. Les familles monoparentales dont la personne de référence est une femme, constituent le type de famille le plus souvent rencontré par les équipes du Secours catholique. Dans 88 % des cas, ce sont les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Ces mères isolées font face à de grosses difficultés pour boucler leur budget. Elles rencontrent des problèmes de mobilité, de garde d'enfant. L’accès à l’emploi est compliqué pour elles. Celles que nous accompagnons ont souvent un travail à temps partiel, des emplois précaires, de services, qui sont mal payés, et cela n’est pas suffisant pour vivre. Cela ne leur permet pas d’avoir un revenu décent.

On rencontre aussi de plus en plus de femmes de nationalité étrangère et de plus en plus de femmes âgées, retraitées. C’est une tendance lente, mais on est passé en cinq ans de 5 à 10   % de personnes de plus de 60 ans qui viennent nous voir avec des problèmes de ressources, de richesse, de niveau de vie.

En 2016, les couples avec enfants ont représenté 24,2   % des ménages accueillis. Le fait d'être en couple ne protège donc plus autant de la pauvreté que par le passé   ?

Non. On rencontre de plus en plus de personnes qui travaillent, mais dont les revenus ne sont pas suffisants pour faire vivre une famille. Les difficultés principales que rencontrent ces familles concernent d'abord le logement, dont le coût est de plus en plus élevé. Le revenu médian des personnes que l’on accompagne est de 548   euros. Matériellement, c'est impossible de vivre avec ce montant. Le coût de la vie augmente et ils ne peuvent plus faire face.

Que recherchent prioritairement ces familles qui viennent vous voir   ?

De l’écoute. Un lien bienveillant qui leur donne une place, une reconnaissance et une possibilité d'échanger, de dialoguer. Ce qui est frappant, c'est que cette demande est plus forte chez ceux qui sont dans une plus grande précarité comme les personnes à la rue, les étrangers qui sont dans une situation terrible ou des personnes qui n'ont aucun revenu. Ceux qui vivent avec, disons, un peu moins de difficultés viennent avec une demande plus précise, comme une aide alimentaire et dans le paiement des charges autour du logement.

Jugez-vous la politique d'Emmanuel Macron contre la pauvreté suffisante   ?

Non. Les premières annonces ont été plutôt négatives, avec moins de contrats aidés, une baisse de 5 euros sur l'APL [aide au logement, NDLR], une baisse de 15   euros pour la prestation d’accueil du jeune enfant. Ces mesures vont conduire à plus de précarité chez certaines personnes. Le gouvernement a par ailleurs annoncé une concertation qui doit déboucher sur un plan de lutte contre la pauvreté, mais sans budget pour le moment. Nous demandons que soit alloué un réel budget à cette concertation, et surtout qu'une vraie stratégie globale soit mise en place. C'est important de redire que la lutte contre la pauvreté concerne tout le monde. Comme en montagne, une cordée avance à la vitesse de ceux qui vont le moins vite. Si l'on aide les personnes les plus en précarité à rejoindre le reste du groupe, tout le monde avancera mieux. Au Secours catholique, nous suggérons trois choses   : un revenu minimum décent, un accompagnement territorial pour toutes les démarches de formation, d'accompagnement ou d'accès aux droits et, enfin, une politique renforcée d'accès à la formation et à l'emploi.