logo

Procès d'Abdelkader Merah : les temps forts des dernières audiences

À l’ouverture de la troisième semaine du procès d’Abdelkader Merah, accusé de "complicité d’assassinat" dans les attentats commis par son frère à Toulouse et Montauban, France 24 revient sur les temps forts des dernières audiences.

Des témoignages glaçants, des effets de manche du ténor Dupont-Moretti - avocat de la défense -, des regrets de l’accusé et toujours aucune preuve tangible de la complicité d’Abdelkader Merah : que retenir de la deuxième semaine du procès des attentats de Toulouse et Montauban qui s’est ouvert lundi 2 octobre devant la Cour d’assises spéciales de Paris ? Retour sur les moments marquants.

Quand le renseignement français voulait recruter Mohamed Merah

Alors que la troisième semaine du procès doit notamment être consacrée au parcours religieux du tueur au scooter, l'ex-patron du renseignement intérieur toulousain a raconté lundi 16 octobre devant la cour que sa direction centrale imaginait le recruter, un mois avant qu'il ne passe à l'action en mars 2012.

Convoqué le 14 novembre pour un "débriefing préventif", Mohamed Merah est alors interrogé par deux spécialistes parisiens. Mais rien de suspect ne ressort des deux heures trente d'entretien. "Son caractère dangereux n'a pas paru évident. Il leur a semblé naturel et ils ont jugé que l'on pouvait s'orienter, compte-tenu de son esprit curieux et voyageur, vers un recrutement", a expliqué à l'audience le responsable précisant que le terme alors utilisé était celui "d'approche".

"Je n'étais pas choqué" par cette réaction mais "j'étais en désaccord complet" avec leur analyse. Je n'imaginais pas approcher Mohamed Merah sans "une judiciarisation" préalable. "Il fallait crever l'abcès" car "il restait trouble", a-t-il expliqué.

La radicalisation en prison

À l'ouverture de la deuxième semaine d'audience, la cour s'est penchée sur les conditions de la radicalisation du tueur. "Je sais précisément ce que je vais faire en sortant" : le jihadiste Mohamed Merah s'est radicalisé en prison après une condamnation qu'il estimait "injuste", selon des témoignages rapportés lundi 9 octobre. "Il avait un sentiment d'injustice de se retrouver en prison pour un vol de sac à main", a expliqué à l'audience un commandant de police d'une section antiterroriste. "C'est une épreuve mais je sais précisément ce que je vais faire en sortant. Je souhaite qu'Allah me venge de ces kouffars (non-croyants)", avait confié Mohamed Merah dans une lettre à son frère Abdelkader, selon le policier.

Le récit d’un survivant

La deuxième semaine du procès a également été dominée par le témoignage bouleversant d’un témoin de la tuerie de Toulouse. À la barre, Yacob Soussan, lunettes et barbe, costume sombre et kippa, a raconté mardi 10 octobre avec une émotion contenue les assassinats "encore ancrés" en lui. "C'était une exécution, précise, ciblée, sans hésitation."

Suivi depuis par des psychologues, Yacob Soussan, qui a quitté l'école de Toulouse, apprend à chasser ses démons. "Trouble du sommeil et de l'appétit, de la concentration, hyper protection de ses enfants", a diagnostiqué un expert, évoquant aussi un sentiment de culpabilité. "J'aurais peut-être pu faire quelque chose, sauver quelqu'un, agir", a-t-il ajouté devant les jurés.

Les premiers regrets d’Abdelkader Merah

Après ce récit qualifié "d'insoutenable" par Abdelkader Merah lui-même, l’accusé a pour la première fois exprimé des regrets sur les actes commis par son frère : "J'éprouve un mélange de tristesse, de honte et de regrets", a-t-il révélé à la cour, affirmant avoir évolué en prenant conscience de "la tristesse des familles des victimes".

Rapport psychiatrique d’une famille à la dérive

Le mercredi 11 octobre, la cour s'est penchée sur le rapport d’une psychiatre qui a examiné Mohamed Merah adolescent. L’experte a expliqué à la cour d'assises combien l'environnement familial du "tueur au scooter" avait façonné sa personnalité "asociale et violente". "À l'époque, Mohamed Merah n'était pas encore structuré, sans aucun remord, aucun affect. Ce qu'il aurait fallu, c'est une thérapie familiale", a expliqué à la cour Geneviève Peresson, qui a examiné le jihadiste toulousain en 2003, alors qu'il n'avait que 14 ans.

Dernier d'une fratrie de cinq enfants, Mohamed Merah, né le 10 octobre 1988 à Toulouse, a, dès l'âge de sept ans, bénéficié de mesures d'assistance éducatives après un signalement à l'Aide sociale à l'enfance portant sur le cadre familial. "Sa famille était dysfonctionnelle, le père était parti quand il avait cinq ans et la mère, aux minimas sociaux, ne voulait plus s'occuper de lui", a dit la thérapeute, précisant qu'auparavant, c'était sa grande sœur qui le prenait en charge.

Un procès ambigu

Cette deuxième semaine, tout comme la précédente, a surtout souligné une ambiguïté liée au double impératif auquel la justice se trouve confrontée : celui de répondre à la fois à l'immense attente de l'opinion et des parties civiles, frustrés que le procès de Mohamed Merah, tué par des policiers, ne puisse avoir lieu et celui de conduire le procès de deux comparses présumés sans que celui-ci dure des mois.

Depuis le premier jour d'audience, cette difficulté a attisé les tensions et incidents d'audience entre les représentants des familles, satisfaits de voir le dossier évoqué dans ses détails, et la défense qui dénonce une confusion entretenue entre Mohamed Merah et son frère. "Je ne suis pas Mohamed Merah, je suis Abdelkader. Quand on regarde l'acharnement sur ma personne, on dirait que je suis mon petit frère", a lâché vendredi 13 octobre l'accusé à l'issue d'un interrogatoire.