
Correction : une première version de l'article et du titre indiquait que l'armée israélienne considérait la zone d'Al-Mawasi comme étant une zone “humanitaire” et une "zone sûre” avant le 18 mars. En réalité, l'armée la qualifiait uniquement de zone “humanitaire”. Depuis le 18 mars, la zone d'Al-Mawasi n'est plus considérée comme "humanitaire" par l'armée israélienne.
"Le feu était intense et puissant. Les équipes de secours sont venues maîtriser l'incendie, mais il était trop tard" : Abed Shaat, journaliste palestinien, était dans la zone du village d'Al-Mawasi, située à l’ouest de Khan Younès et au nord de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, quand une frappe de l'armée israélienne a touché un camp de déplacés dans la nuit du 16 au 17 avril.
Arrivé sur place quelques minutes après l'explosion, Abed Shaat a publié sur son compte Instagram des images de l'incendie provoqué par la frappe. "Je me suis rendu directement sur les lieux et nous avons été surpris de constater que la cible était un certain nombre de tentes de personnes déplacées, qui brûlaient intensément", raconte-t-il à la rédaction des Observateurs de France 24. "Dans ces flammes, des familles entières brûlaient, y compris des enfants et des femmes."
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Accepter Gérer mes choixAu total, au moins 16 personnes, dont plusieurs femmes et enfants, sont mortes lors de cette frappe contre des tentes de déplacés.
Al-Mawasi, une zone longtemps désignée comme “humanitaire” par l’armée israélienne
Contactée par notre rédaction, l'armée israélienne, qui affirme avoir ciblé un "terroriste du Hamas", a indiqué être "au courant des accusations selon lesquelles plusieurs civils non impliqués ont été blessés à la suite de la frappe" et déclaré que "l'incident [était] en cours d'examen".
Cette frappe à Al-Mawasi est loin d’être un cas isolé. Le 21 avril au matin, une frappe de drone a touché une tente de déplacés, faisant au moins deux morts. Même chose le 19 avril, quand un missile filmé par Abed Shaat s'est abattu en plein cœur des tentes. Au total, Israël, qui revendique plus d'une centaine de frappes aériennes sur toute la bande de Gaza depuis la rupture du cessez-le-feu par Israël le 18 mars, aurait frappé ce périmètre au moins 23 fois, selon l'ONU.
Depuis octobre 2023, l'armée israélienne avait pourtant désigné de manière unilatérale - sans concertation avec les organisations humanitaires - la zone d'Al-Mawasi comme censée être plus protégée.
Avant le cessez-le-feu conclu mi-janvier entre le Hamas et Israël, l'armée israélienne appelait encore dans ses ordres d'évacuation à destination des Gazaouis à se réfugier dans cette "zone humanitaire", représentée en jaune sur le document ci-dessous, publié le 12 janvier 2025.

La zone d'Al-Mawasi "actuellement pas définie comme une zone sûre" par Israël…
Mais depuis la rupture du cessez-le-feu le 18 mars, la zone d’Al-Mawasi n’est plus représentée de la même manière sur les ordres d’évacuation de l’armée israélienne. Elle n’apparaît plus en jaune, et n’est plus désignée comme étant “humanitaire”. Ces documents se contentent de mentionner les “abris connus d’Al-Mawasi”.
Interrogée sur ce changement le 18 avril, l'armée israélienne a confirmé à la rédaction des Observateurs que cette zone n'est plus considérée comme une zone humanitaire depuis la rupture du cessez-le-feu. Elle a également déclaré que le secteur d'Al-Mawasi n'était "actuellement pas défini comme une zone sûre". En réalité, auparavant, le secteur d’Al-Mawasi n'était pas non plus considéré par l'armée israélienne comme une zone sûre, mais comme un secteur relativement plus préservé par rapport au reste de la bande.
...qui continue malgré tout de dire aux Gazaouis de s’y rendre
Pourtant, bien que la zone ne soit plus considérée comme une zone humanitaire, Al-Mawasi demeure toujours l'unique lieu d'évacuation désigné par l'armée israélienne, comme l'indiquent les plus de 20 ordres d'évacuation décomptés par la rédaction des Observateurs depuis le 18 mars.

Dans une vidéo publiée le 1er avril, le porte-parole arabophone de l'armée israélienne Avichay Adraee avait lui-même demandé à la population de se diriger vers cet espace.
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Accepter Gérer mes choixContacté au sujet de ce changement le 21 avril, le journaliste gazaoui Rami Abou Jamous précise que l'armée israélienne "n'a pas déclaré officiellement qu'Al-Mawasi n'est plus une zone humanitaire".
Ce dernier a également observé l'intensification des frappes dans la zone depuis la rupture du cessez-le-feu : "Ils n'arrêtent pas depuis trois semaines. Presque tous les jours, toutes les nuits, il y a une tente de déplacés qui brûle.”
"Qu'il y ait des zones humanitaires ou pas, aujourd'hui, il n'y a aucun endroit sûr à Gaza", explique également Jean-François Corty, président de l’ONG Médecins du Monde. Il affirme à la rédaction des Observateurs ne pas avoir été mis au courant d'un tel changement de statut de la zone, malgré la présence des équipes de Médecins du Monde sur place, qui ont notamment subi ces dernières semaines des bombardements à quelques centaines de mètres de leurs lieux de consultation.
"Tout ce qu'on sait, c'est qu'une grande partie de la population est concentrée à Al-Mawasi parce que c'est là qu'on leur a dit d'aller : humanitaire ou pas, la zone a été celle qui a été recommandée par les autorités. Si vous n'allez pas dans ces zones-là et si vous restez aujourd'hui au nord ou au sud dans des zones dites ‘militaires’, vous êtes tué sans sommation", ajoute-t-il.
Une zone "humanitaire" frappée au moins 97 fois par Israël entre mai 2024 et janvier 2025
Rami Abou Jamous rappelle également que cette zone dite humanitaire n'a jamais été complètement préservée des bombardements israéliens : "Les gens savent qu'il n'y pas de zone humanitaire ou sécuritaire qui existe à Gaza depuis le début de la guerre".
Depuis mai 2024, l'armée israélienne a déjà attaqué à de nombreuses reprises le secteur alors même qu'elle la décrivait comme "sûre". Fin janvier, le service de vérification de la BBC, BBC Verify, avait comptabilisé au total au moins 97 frappes dans cette zone entre mai 2024 et janvier 2025.
Mi-juillet, l'armée israélienne avait par exemple tué plus de 100 personnes dans deux attaques dans des camps de déplacés, comme l'avait décrit notre rédaction. Interrogée à l'époque à ce sujet, l’armée israélienne avait déclaré que le Hamas avait "augmenté sa présence militaire et ses opérations depuis la zone humanitaire" et reconnu effectuer des frappes "dans la zone humanitaire [...] quand c'est nécessaire sur le plan opérationnel".
Après l'une de ces attaques, le directeur de l’Unrwa Philippe Lazzarini avait déclaré : "Il n’y a pas de zone 'sûre' ou 'humanitaire' à Gaza. (...) L'attaque d'hier et les pertes massives nous rappellent brutalement que personne n'est en sécurité à Gaza, où qu'il se trouve.”
Des ordres d'évacuation qui concernent 69 % du territoire gazaoui
Depuis mars, 69 % du territoire de la bande de Gaza est désormais visé par des ordres d'évacuation, selon un rapport de l’Unrwa publié le 17 avril. Des ordres directement liés à la stratégie d'occupation du territoire par Israël, alors que l'armée a annoncé le 16 avril contrôler 30 % du territoire, dont une large zone-tampon qui enserre désormais Gaza.
"Il y a eu beaucoup d'ordres d'évacuation, mais tant qu'il n'y a pas d'opération terrestre avec les tanks dans les rues, les habitants préfèrent rester chez eux plutôt que d'être déplacés", décrit de son côté Rami Abou Jamous. Également concerné par un ordre de déplacement, ce dernier a lui aussi fait le choix de rester chez lui avec sa famille à Gaza City.
Selon le dernier décompte du ministère de la Santé du Hamas, au moins 1 827 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51 201 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l'offensive de représailles israélienne il y a un peu plus de 18 mois.