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Procès Merah : des failles et des absences

Le procès d’Abdelkader Merah, accusé de "complicité d’assassinat" dans les attentats commis par son frère Mohamed à Toulouse et Montauban, a révélé des failles et des béances qui ne sont pas pour rassurer la partie civile.

Un procès Merah sans Mohamed Merah, un accusé sans preuve irréfutable, des témoins sans nom et sans visage : le début de procès d’Abdelkader Merah, qui s’est ouvert lundi 2 octobre, se résume à beaucoup de rien, sinon beaucoup de carences.

Dans ce contexte, la tâche des avocats de la partie civile - faire reconnaître la "complicité d'assassinats" du frère de Mohammed Merah dans les attentats de Toulouse et Montauban - s’annonce ardue.

Aucune preuve

D’abord parce que les accusations qui pèsent sur Abdelkader Merah reposent sur un faisceau d’indices sans preuve formelle. Les enquêteurs n’ont notamment pas réussi à établir qu’Abdelkader Merah en personne s’était connecté sur Leboncoin pour consulter l’annonce postée par Imad Ibn-Ziaten, le militaire tué à Montauban. Deux connexions ont bien été enregistrées depuis la ligne ADSL de la mère des frères Merah, mais rien ne prouve qu’Abdelkader ait lui-même c onsulté l’annonce le 4 mars 2012.

"L’absence de preuve n’est pas un problème quand il existe une quantité hallucinante d’indices qui convergent tous vers la culpabilité d’Abdelkader Merah", défend auprès de France 24 Me Jean Tamalet, avocat d’Abel Chennouf, l'un des militaires tués à Mautauban.

"Vous vous moquez du monde"

Autre obstacle, sur les 55 témoins qui vont comparaître à la barre, 10 ont choisi de comparaître de manière anonyme, cachés derrière un écran, la voix modifiée, pour des raisons de sécurité. Or le témoignage de l’un d’entre eux, un policier identifié sous le numéro "35" qui réfute la thèse du loup solitaire et soutient ainsi la culpabilité de la complicité d’Abdelkader Merah, a été malmené par Me Dupond-Moretti, avocat de la défense.

Le ténor du barreau a en effet révélé que ce même policier avait accordé une soixantaine d’interviews dans la presse sept mois auparavant. "C’est du cinéma, ce que vous venez de dire. […] Vous vous moquez du monde", s’est emporté l’avocat. Le président a clos le débat et déclaré que s’il avait "été informé de cette interview, il est clair que la décision que j’aurais prise [d'accorder l'anonymat, NDLR] aurait été différente".

"C’est un incident qui a pris beaucoup d’ampleur parce qu’il est assez symptomatique de plein de petits cafouillages qui émaillent la procédure. Mais, en soi, ce n’est pas un enjeu central, minimise Me Jean Tamalet, soucieux de réhabiliter le témoignage du policier numéro 35. Ce qui m’intéresse, c'est de savoir ce que ces gens ont à dire, pas de voir leur visage."

"Des forces de l’ordre incapables de faire leur autocritique"

Dernière difficulté (et non des moindres), les hauts responsables du ministère de l’Intérieur de l’époque reprennent à leur compte la thèse du loup solitaire, pour éviter de pointer les éventuelles failles du renseignement, assure-t-on dans le rang des plaignants. "Ne pas défendre cette thèse, c’est accepter l’inacceptable : c’est avouer qu’ils sont passés à côté d’un réseau, affirme Me Jean Tamalet à France 24. Ce qui est choquant, c’est de voir que cinq ans après, les forces de l’ordre de l’époque sont toujours incapables de faire leur autocritique."

Aux failles du dossier contre Abdelkader Merah s’ajoutent des absences : "Je trouve que le box est bien vide, a regretté Albert Chennouf-Meyer, le père du parachutiste Abel Chennouf, l'un des trois militaires du 17e régiment du Génie Parachutiste tués, dans Le Parisien du 2 octobre. Il y manque Sarkozy, Hollande, Squarcini (ex-patron des services de renseignements), et tous ceux qu'on a laissés partir... Le père Merah (expulsé), Soued Merah, Sabri Essid... (la sœur et le demi-frère de Merah, partis ensuite en Syrie)."

Comme d’autres membres de la partie civile, le parent a déclaré qu’il n’attendait "rien" de ces 24 jours d'audience. "Ce procès n'est pas le nôtre, a-t-il poursuivi. C'est une mascarade pour se donner bonne conscience."