La procureure générale du Venezuela, Luisa Ortega, figure du chavisme qui a défié à de nombreuses reprises le pouvoir du président Nicolas Maduro, a été citée à comparaître devant la justice mercredi par la Cour suprême.
La procureure générale du Venezuela Luisa Ortega, en rupture de ban avec le chavisme [du nom de Hugo Chavez, président vénézueélien de 1999 à son décès, en 2013], a été citée à comparaître devant la justice mercredi par la Cour suprême de son pays.
Perçue dans son camp, celui du président Nicolas Maduro, comme une "traîtresse", cette avocate de 59 ans, dont les comptes et avoirs ont été gelés, se retrouve interdite de sortie du territoire par le tribunal suprême de la justice (TSJ) qui "a fixé l'audience orale et publique au 4 juillet".
Connue pour son franc-parler, la procureure a multiplié les critiques acerbes ces dernières semaines contre le gouvernement du président Maduro, l'accusant de vouloir confisquer le pouvoir. Mercredi, elle a accusé le successeur d’Hugo Chavez d'avoir imposé un "terrorisme d'État", en raison de la répression implacable des manifestations hostiles à son égard, qui ont fait 76 morts depuis début avril.
"Terrorisme d'État"
"Ici on dirait que tout le pays est terroriste", a-t-elle déclaré devant la presse, au lendemain d'une attaque présumée d'un hélicoptère de police contre la Cour suprême, qualifiée de "terroriste" par le président Maduro, qui a mis l'armée en alerte.
"Moi, ce que je pense, c'est que nous avons un terrorisme d'État, où l'on a perdu le droit de manifester, où les manifestations sont cruellement réprimées, où l'on juge des civils devant la justice militaire", a-t-elle dénoncé.
Le TSJ, dénoncé comme aux ordres du pouvoir de Nicolas Maduro, a également ordonné la comparution du député Pedro Carreno – un partisan du président actuel – qui a présenté l'action en justice contre la procureure, et du défenseur du peuple, Tarek William Sabb, également partisan du président.
Réputée disciplinée et de caractère ferme, Luisa Ortega a commencé à prendre ses distances avec le pouvoir en 2016, en marquant sa désapprobation des arrestations de certains opposants. En mars 2017, elle a dénoncé une "rupture de l'ordre constitutionnel" après la décision de la Cour suprême de s'arroger les pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition.
L'action du TSJ, annulée 48 heures plus tard, a été l'étincelle de la vague de protestations actuelle. Depuis, la procureure n'a cessé de décocher ses flèches, contestant l'impartialité des magistrats du TSJ et critiquant l'armée, autre pilier du pouvoir de Nicolas Maduro.
Une voix discordante dans le camp chaviste
Et elle n'a pas hésité à défier directement le chef de l'État, dénonçant son projet de réformer la Constitution, qu'elle juge dangereux pour la démocratie. Des sorties qui lui ont peu à peu permis de gagner des soutiens dans l'opposition et parmi les voix critiques du chavisme.
Lors d'un récent briefing avec des correspondants étrangers, Nicolas Maduro l'a accusée d'"extrémisme", suggérant que la procureure "a l'intention d'être candidate présidentielle pour la MUD", la coalition de centre-droit regroupant l'opposition.
Pourtant, Luisa Ortega a toujours été de gauche. Proche d'Hugo Chavez pendant sa campagne présidentielle en 1998, cette avocate de l'État d'Aragua (nord) sans enfants est devenue procureure en 2002. Promue procureure générale en 2007, elle a été reconduite en 2014 par le Parlement, alors contrôlé par les chavistes.
Par le passé, cette femme au cœur du pouvoir a été accusée par l'opposition de prendre des décisions favorables au gouvernement, notamment à propos de la condamnation de la figure de l'anti-chavisme, Leopoldo Lopez, qui purge une peine de quatorze ans de prison pour incitation à la violence lors de la vague de manifestations anti-Maduro de 2014, qui ont fait officiellement 43 morts.
Luisa Ortega devait rester procureure générale jusqu'en 2021. Mais le gouvernement comptait la faire partir le 30 juillet prochain, quand sera élue l'Assemblée constituante dotée de "super-pouvoirs". L'opposition refusant de participer à l'élection, la mainmise chaviste sur cette assemblée est quasi-assurée.
Avec AFP