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À l'usine Whirlpool d'Amiens, Macron en opposition frontale avec Le Pen

Emmanuel Macron compte mener une campagne d’entre-deux-tours là où le Front national prospère. Il a rencontré, mercredi, les grévistes de Whirlpool, quelques heures seulement après Marine Le Pen, avant de tenir le soir même un meeting à Arras.

Accusé durant deux jours de se croire déjà élu président de la République et de ne pas avoir pris la mesure du choc que représentait la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron est entré malgré lui de plain-pied, mercredi 26 avril, dans la confrontation directe face à Marine Le Pen, dans ce qui restera l’une des images marquantes de cette campagne.

Alors qu’il rencontre l’intersyndicale des salariés de Whirlpool à la Chambre de commerce d’Amiens, en milieu de journée, Emmanuel Macron est pris de court par la candidate du Front national, partie rencontrer au même moment les grévistes sur le site de l’entreprise. Une visite non prévue à l’agenda de Marine Le Pen qui a ravi les ouvriers présents, tout heureux de prendre des selfies avec celle qui leur promet d’engager le bras de fer avec Whirlpool pour empêcher la délocalisation de l’usine.

"Je suis ici à ma place, exactement là où je dois être, au milieu de ces salariés qui résistent à cette mondialisation sauvage, à ce modèle économique qui est honteux. Je ne suis pas en train de manger des petits fours avec quelques représentants qui en réalité ne représentent qu’eux-mêmes", a lancé la candidate frontiste aux ouvriers, ravie de son coup médiatique diffusé en direct sur BFM TV.

En sortant de sa réunion avec l’intersyndicale de Whirlpool, Emmanuel Macron annonce qu’il ira à son tour, après y avoir été convié par l’un des représentants syndicaux, à la rencontre des ouvriers en début d’après-midi et dénonce au passage "l’utilisation politique" de la situation par Marine Le Pen.

"Si vous ne parlez pas aux représentants des salariés, que vous allez faire de la démocratie directe, de l’invective ou des fausses promesses, vous ne réglez aucun problème du pays", affirme-t-il devant les journalistes.

"Quelqu’un de méprisant et d’odieux"

Sur le parking de l’usine Whirlpool, les grévistes attendent Emmanuel Macron de pied ferme. Selon une syndicaliste, 90 % des salariés de l’entreprise ont voté Marine Le Pen dimanche 23 avril. Tous ou presque se préparent à accueillir le favori des sondages avec des sifflets et des insultes.

"C’est quelqu’un de méprisant et d’odieux, estime Marie, 48 ans, dont 23 passés chez Whirlpool. Il nous juge en parlant des femmes illettrées ou des gens qui s’habillent en t-shirt. Mais il sait que son costume coûte plus cher que mon salaire ? Bien sûr que non ! C’est un banquier de toute façon. S’il est élu, on va payer cher avec lui."

Quelques minutes plus tard, en voyant arriver l’ancien ministre de l’Économie, les grévistes de Whirlpool tiennent leurs promesses. "Marine présidente !", scandent-ils, avant d’embrayer sur des "Dégage !" et autre "Sale banquier !". Il faudra de longues minutes avant qu’Emmanuel Macron puisse proposer aux salariés de Whirlpool de dialoguer derrière la grille du parking, à l’abri des caméras.

.@EmmanuelMacron sur le site de Whirlpool à Amiens pic.twitter.com/l5It7VZMlW

— Romain Brunet (@romain2dc) 26 avril 2017

Le calme revenu, commence alors une discussion de 45 minutes entre le candidat d'En Marche ! et les grévistes. Les échanges sont tantôt calmes, tantôt agressifs, ressemblent parfois à un dialogue de sourd, mais débouchent tout de même sur deux engagements du candidat si celui est élu président : ne pas homologuer le plan social de Whirlpool si celui-ci n’est pas convenable et rechercher un repreneur crédible qui propose une solution pérenne pour les emplois.

"Je ne laisserai pas une once de territoire à Mme Le Pen"

Les salariés ayant voté Marine Le Pen au premier tour ne changeront pas leur vote au terme de cette discussion, mais pour Emmanuel Macron, l’essentiel est ailleurs. L’image, diffusée en direct sur Facebook Live, reprise par les chaînes d’info en continu avant de faire l’ouverture des 20 heures des journaux télévisés de TF1 et France 2, lui permet de montrer qu’il se soucie aussi des Français qui se sentent exclus.

Non prévue à l’origine, la séquence chez Whirlpool a finalement parfaitement collé avec la stratégie d’entre-deux-tours voulue par l’équipe d’En Marche ! : identifié comme le candidat des gagnants de la mondialisation quand Marine Le Pen serait la candidate des perdants, Emmanuel Macron compte ainsi se rendre systématiquement, d’ici au 7 mai, là où le Front national prospère.

"Il y a des divisions profondes, des fractures. J’irai dans tous ces territoires de fractures. Je ne laisserai pas une once de territoire à Mme Le Pen, a-t-il lancé mercredi soir, en meeting à Arras. Allons partout porter ce discours exigeant, cet espoir au cœur. Chacun des territoires de la République est dans la République. Je n’en sais pas de perdu. Opposons le discours de l’intelligence contre celui de la démagogie."