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Plus de 10 000 personnes ont manifesté, dimanche, à Budapest pour protester contre un projet de loi ciblant l'Université d'Europe centrale (CEU), fondée par le milliardaire américain d'origine hongroise, George Soros.
Étudiants, anciens étudiants, personnel de l'université et simples adhérents à la cause, plus de 10 000 personnes ont défilé dans les rues de Budapest, dimanche 2 avril, pour témoigner leur soutien à l'Université d'Europe centrale (CEU).
Cette université privée, fondée en 1991 et financée par le milliardaire américain d'origine hongroise George Soros, est la cible d’un projet de loi défendu par le Premier ministre Viktor Orban et qui pourrait aboutir à sa fermeture. L’examen du projet de loi a été annoncé pour le 5 avril.
La CEU, spécialisée dans les sciences humaines, dispense des cours en anglais et permet à ses étudiants d’obtenir un diplôme hongrois mais aussi américain, grâce à un accord conclu entre le gouvernement hongrois de l’époque et l’État de New York.
Or, le projet cible les universités financées par des pays n'appartenant pas à l'Union européenne. Il vise à interdire à ces institutions de remettre un diplôme hongrois à leurs étudiants faute d’accord formel entre les autorités des pays concernés et la Hongrie. Budapest souhaite en outre bannir les établissements n'offrant pas de cursus similaire dans leur pays d'origine. Si le texte passe, la CEU serait donc condamnée à disparaître.
Discours nationaliste et populiste
En s’attaquant à la CEU, Viktor Orban cherche à atteindre George Soros, qu’il accuse de financer l’opposition. À la fin des années 1980, le philanthrope a créé des fondations dans 25 pays d’Europe de l’Est pour financer des initiatives dans la presse, l'éducation et la recherche. Il n’a, depuis, eu de cesse d’utiliser son argent pour financer des fondations et des associations sur presque tous les continents.
Mais ce qui oppose Viktor Orban à George Soros ne s’explique pas seulement par les milliards de dollars que ce dernier injecte dans les initiatives de défense de la démocratie. Pour Catherine Horel, directrice de recherche au CNRS et professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il existe aussi un "vieux fond d’antisémitisme". Originaire de Hongrie et de confession juive, la famille du milliardaire a dû fuir le pays et trouvé refuge aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Par ailleurs, la CEU dispose, comme d’autres universités hongroises, d’un institut d’études juives. Elle est pour cette raison souvent prise pour cible par l’extrême droite et présentée comme une "université juive".
"À cela, s’ajoute le bon vieux thème de la fuite des cerveaux […] Alors que la majorité des étudiants de la CEU ne sont pas hongrois", ajoute la chercheuse, qui a enseigné l’histoire urbaine et contemporaine de la Hongrie à la CEU. Un argument dont certains nationalistes se sont emparés pour affirmer que l’université attirerait des migrants car, explique Catherine Horel, "de nombreux étudiants sont Caucasiens et sont donc considérés comme musulmans".
Mobilisation massive
Malgré le soutien dont jouit Viktor Orban et la popularité de ce projet de loi en dehors des milieux éduqués, la CEU est très bien vue dans la société hongroise cultivée. "L’université est reconnue comme un pôle d’excellence", souligne Catherine Horel. L’établissement figure d’ailleurs dans le classement des 200 meilleures universités au monde.
Face au projet de loi, la mobilisation s’est rapidement organisée en Hongrie et dans le monde universitaire pour soutenir l’université. Plusieurs personnalités ont fait part de leur soutien. Parmi elles, Louise Richardson, vice-présidente d’Oxford, et John Shattuck, directeur de la CEU de 2009 à 2016, qui a dénoncé dans le Boston Globe une stratégie politique purement électoraliste en vue des législatives de 2018.
Une pétition a également été publiée sur le site change.org et a déjà recueilli près de 40 000 signatures. En France, deux chercheurs ont lancé une plateforme qui rassemble les témoignages de soutien du monde universitaire.