Ami de François Fillon et client de sa société de conseils, l’homme d’affaires libanais Fouad Makhzoumi, devenu milliardaire grâce à la vente de pipelines, se retrouve au cœur de l’actualité agitée de la campagne présidentielle française.
Fouad Makhzoumi. Le nom de cet homme politique et businessman libanais est apparu mercredi 22 mars dans le Canard Enchaîné. D'après l'hebdomadaire satirique, il aurait signé avec la société 2F Conseil de François Fillon un contrat de lobbying, en juin 2015. Et ce afin de bénéficier, contre un montant de 50 000 dollars américains, du carnet d’adresses du candidat à la présidentielle. Le député de Paris l’aurait, dans ce cadre, mis en relation en 2015 avec le président russe Vladimir Poutine et le PDG de Total.
Le camp de François Fillon a rejeté en bloc les insinuations du Canard Enchaîné faisant état d'un potentiel conflit d'intérêts avec sa qualité d’élu. De son côté, jouant la carte de la transparence, le milliardaire, qui se retrouve soudain au cœur des remous de la campagne présidentielle française, assure avoir agi en toute légalité. "Tout est réglo, si M. Fillon a commis quelque chose d’illégal, ce sera son sujet, pas le nôtre", a fait savoir son entourage au journal Le Monde.
"Le fait qu’il soit cité dans ce qui est présenté comme une affaire potentielle peut être, si elle s’avère sulfureuse, contreproductif pour Fouad Makhzoumi, car c’est exactement l’effet inverse qu’il recherche en termes d’image et de bénéfices commerciaux pour son business", explique une source bien introduite dans les milieux d’affaires libanais à France 24.
"Il ne traîne pas de casseroles"
Ce n’est pas la première fois que le nom de ce Beyrouthin sunnite né en 1952, tantôt qualifié de "poisson-pilote" de François Fillon au Moyen-Orient par le site Intelligence Online, ou de "milliardaire libanais qui embarrasse Fillon" par Mediapart, apparaît dans la presse européenne. En 1995, au Royaume-Uni, le ministre de la Défense de l’époque, Jonathan Aitken, a dû démissionner après avoir omis de déclarer ses liens passés avec Fouad Makhzoumi. Ce dernier, avec qui il s’apprêtait à faire affaire, figurait en effet parmi les donateurs "les plus généreux" du parti conservateur, selon la presse anglaise.
Ingénieur de formation, le milliardaire qui est à la tête de Future Group Holdings (qui englobe la Future Pipe Industries en lien avec la société de conseil de François Fillon), a bâti sa fortune personnelle en fondant, en 1984 à Dubaï, une société spécialisée dans la vente de pipelines en fibre de verre. Si les principaux clients de son groupe se trouvent dans le Golfe (il a longtemps été basé en Arabie saoudite), il a réussi au fil du temps à conquérir des parts de marché aux quatre coins de la planète (Europe, Amérique du Nord, Asie, Afrique) pour devenir l’un des leaders mondiaux du secteur. Et ce, tout en se constituant un carnet d’adresses de décideurs et d’industriels très envié.
"Il est dur en affaires mais ne traîne pas de casseroles, il s’agit d’un homme respecté au Liban qui a réussi dans son domaine, poursuit la même source qui a requis l’anonymat. Fouad Makhzoumi cherche à fréquenter et à s’afficher avec les puissants du monde, il en tire une certaine fierté, sachant que cela contribue à renforcer son image de notable proche des décideurs et de businessman influent, toujours utile quand il s’agit de gagner des contrats."
Des relations qui pourraient également lui servir si jamais il décidait à se lancer activement dans la vie politique au Liban. Car d’aucuns, dans le milieu politique libanais, affirment qu’il rêve d’occuper un jour le poste de Premier ministre, qui selon l’usage est réservé à la communauté sunnite. Ces dernières années, plusieurs milliardaires rappelant le même profil que le sien ont occupé ce poste, comme Rafic Hariri (assassiné en février 2005), son fils Saad (actuellement à la tête du gouvernement) et Najib Mikati.
Président du Parti du dialogue national, une petite formation qui ne compte aucun député, Fouad Makhzoumi se présente comme un homme politique non-aligné et pragmatique. Se voulant au-dessus de la mêlée politique libanaise, il n’hésite pourtant pas à dénoncer la mainmise du Hezbollah chiite sur l’échiquier politique.
Le "roi du pipeline" s’affiche avec les puissants sur Twitter
Sa réputation d’homme d’affaires prospère et de généreux bienfaiteur (via sa fondation philanthropique Fondation Makhzoumi) lui vaut d’être fréquemment invité à des événements diplomatiques et à des soirées de charité, comme le prouvent les nombreuses photos publiées sur son compte Twitter.
Ce dernier est inondé de clichés montrant le "roi du pipeline" en compagnie de plusieurs figures de la scène politique mondiale, comme l’ex-Premier ministre britannique David Cameron ou le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Et les personnalités françaises, qu’elles soient de gauche ou de droite, ne sont pas en reste.
Ainsi, on peut voir sur plusieurs photos Fouad Makhzoumi posant tout sourire avec l’ex-président Nicolas Sarkozy, l’ancien patron de la droite Jean-François Coppé, l’ancienne Garde des sceaux Élizabeth Guigou, le secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie Jean-Marie Le Guen, le leader du Modem François Bayrou, ou encore Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale.
Figure également François Fillon, qui apparaît en sa compagnie à plusieurs reprises, dont une avec Vladimir Poutine, et une autre, avec le PDG de Total, Patrick Pouyanné. Soit, selon le Canard Enchaîné, les deux rencontres pour lesquelles le candidat LR aurait joué, contre rémunération, l’entremetteur. Mardi, le Kremlin et Total ont réfuté cette hypothèse en indiquant que l’ex-Premier ministre n’avait joué aucun rôle dans l’organisation de ces rencontres.
Indéniablement, Fouad Makhzoumi misait beaucoup sur François Fillon, qu'il a rencontré à plusieurs reprises et avec lequel les liens d’amitié remontent à trois ans, selon l’homme d’affaires libanais. Quelques semaines après la victoire de ce dernier à la primaire de la droite, il avait publié une photo sur Facebook le montrant en sa compagnie.
"Nous sommes convaincus que l'arrivée de Mr François Fillon à l'Élysée renforcera les relations historiques entre le Liban et la France", écrivait-il en légende mi-décembre. Son ami était, à ce moment précis, le grand favori de la présidentielle. C’était bien avant la mise en examen de François Fillon, notamment pour détournement de fonds publics, et avant que son propre nom n'apparaisse dans les médias français.