
Les supporters de la Tunisie, de l'Algérie, du Soudan ou du Maroc célèbrent ensemble la CAN 2025, à Rabat, le 24 décembre 2025. © Cassandre Toussaint, France 24
Quand la fraternité du football surmonte les divisions diplomatiques. À Rabat, où l’Algérie joue tous ses matches du premier tour de la CAN 2025, les supporters des Fennecs ont fait le déplacement en nombre, malgré les difficultés. Et les scènes de fraternisation avec les Marocains sont nombreuses, loin des tensions redoutées.
"L'ambiance est extraordinaire. Tu ne peux pas imaginer combien les Marocains nous ont bien accueillis. Dès qu'on dit qu'on est Algérien, on nous donne des câlins, de l'amour.", raconte Raouf, venu d’Espagne pour supporter son équipe. "C’est comme si on était chez nous ! On est chez nous d’ailleurs !" abonde son ami Adel.
"Vous les Algériens, vous êtes nos frères !"
Les supporters ont l’habitude de se retrouver les jours des matches de leur équipe sur la place du marché, à l’entrée de la médina de Rabat, portant haut les couleurs de leurs équipes respectives. Ce qui donne lieu parfois à des scènes de liesse entre tous les supporters d’équipes d’Afrique du Nord, à grands renforts de "Khaya ! Khaya !" ("Mes frères ! Mes frères !")
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"Je suis venu au Maroc, je me suis senti comme en Algérie, décrit également El-Hadi, tout juste arrivé du Royaume-Uni. Les gens sont très gentils, tout le monde me dit : 'Marhaba ! (Bienvenue !)', 'Vous les Algériens, vous êtes nos frères !'".
Le parcours du combattant
Avant d’arriver là, l’aventure a pu être compliquée pour les Algériens, notamment ceux venant de leur pays. Les frontières entre le Maroc et l’Algérie sont fermées et aucun vol direct n’est possible.
Houssam, qui vit à Batna, dans l’est de l’Algérie, raconte qu’il a d'abord dû parcourir 500 km en voiture pour rejoindre Tunis. Il a ensuite pris un avion de la capitale tunisienne jusqu’à Casablanca, et de là un train jusqu’à Rabat. Mais lui aussi se considère "comme chez lui" au Maroc auprès de ses "frères".
"Pour les supporters venant d'Algérie, ça a été plus difficile parce qu'ils sont passés par la Tunisie puis ils ont fait une escale. Donc c'est un peu chaud par rapport à ceux qui sont venus de l'étranger", rapporte Farid, qui lui est venu de Paris.
Des conditions de voyage difficiles qui découlent d'un regain de tensions entre les deux pays depuis 2021. L’Algérie avait alors décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, l’accusant d’actions hostiles dans le cadre d’un complot visant à déstabiliser le pays, le tout exacerbé par l’épineux dossier du Sahara occidental. Ce vaste territoire, ancienne colonie espagnole, est contrôlé à environ 80 % par le Maroc mais revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie. Au point même que certains craignaient qu'il n'y ait pas ou peu de supporters venus d'Algérie pour cette CAN.
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Le président de la fédération marocaine de football, Fouzi Lekjaa, avait pourtant tenu à rassurer : "La sélection algérienne, les supporters venus de l'Algérie ou de tous les coins du monde, seront accueillis dans un pays qui leur a toujours consacré un accueil chaleureux", avait-il déclaré à l’Équipe. Et de rappeler que "sur le territoire marocain, il y a des familles algériennes qui vivent et connaissent la qualité de cette cohabitation."

Illustration parfaite de cette entente plus que cordiale avec Sofiane, supporter algérien venu de Toulouse, en France, avec son épouse, supportrice marocaine, et leurs trois enfants, qui portent les couleurs des deux pays ainsi que le drapeau amazigh, symbole de la culture berbère, commune aux deux pays. "C'est super de représenter tout ça, d'être au Maroc et de venir voir jouer l'Algérie", raconte Sofiane. "Il y a une super ambiance, une super ferveur. On est content de voir ça, ça fait plaisir."

La galère des billets et le marché noir
Reste encore un obstacle de taille pour les supporters algériens, comme pour d'autres : se procurer un billet. En effet, malgré les guichets fermés annoncés pour les matches de l'Algérie ou du Maroc notamment, nombreux traquent des bons plans pour s’y inviter, sur la place du marché où ils ont pris l'habitude de se rassembler. C'est aussi sur cette place que s’échangent ou se vendent les billets pour les matches, de façon plus ou moins légale.
"Moi j'ai acheté mes billets au marché noir, concède El-Hadi. Des billets de 100 dirhams (10 euros), je les ai payés presque 400 ou 500 dirhams sur des sites internet où des Marocains revendent des tickets. Et le problème, c'est que les stades sont vides, mais il n'y a pas il n'y a pas de billet en vente, ils sont épuisés. Je ne comprends pas."
Ces couacs de billetterie ont beaucoup fait parler au début de cette CAN, d'autant que lors de plusieurs rencontre où ne figuraient pas de têtes d'affiches, la Confédération africaine (CAF) avait autorisé l'accès à tous après le coup d'envoi. Mais cela ne concernait pas les matches de l'Algérie, et la CAF a du mettre les choses au clair pour éviter que certains supporters n'attendent que la rencontre commence, espérant rentrer gratuitement. "Toute information circulant sur les réseaux sociaux concernant la gratuité des billets est inexacte et ne doit pas être considérée comme officielle", a précisé un porte-parole de la CAF.
Mais ce qui importe surtout aux spectateurs algériens rencontrés à Rabat, c'est la vérité du terrain. "On espère que les deux pays arriveront le plus loin possible. Mais j'ai un petit penchant pour l'Algérie, c'est normal", s'amuse Sofiane. Farid, lui, a même trouvé la solution idéale à ses yeux : "Je souhaite que la finale, ça soit entre l'Algérie et le Maroc. Et qu'on va la gagner !"
Propos recueillis avec Allaoua Meziani et Héloïse Mélan.
