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Brexit : malgré leur "no", les Gallois veulent rester dans le marché unique

Si la plupart des Gallois ont majoritairement voté en faveur du "leave", la coalition de travaillistes et de nationalistes redoute cependant les effets d'un "hard Brexit" sur l'économie du Pays de Galles.

Leanne Wood n'a que moyennement apprécié le discours de Lancaster House le 17 janvier dernier. "Il est maintenant impératif que le Plaid Cymru se dresse pour défendre l'intérêt national gallois", a-t-elle dénoncé dans une note publiée sur le blog du parti en réaction à l'option de "hard Brexit" prônée par la Première ministre, Theresa May, soit une sortie totale des institutions de l'Union européenne (UE) ainsi que du marché commun. Avec l'appui du Parti travailliste gallois, le Plaid Cymru, parti nationaliste, espère désormais renégocier ce dernier point, vital pour l'économie locale.

"Les Gallois n'avaient rien à perdre"

Pourtant, les résultats du référendum du 23 juin 2016 sur la sortie de l'UE sont sans appel : 53 % des Gallois ont voté pour un Brexit. Il n'y a guère que dans la capitale Cardiff que le "remain" l'a emporté.

"Un certain nombre de personnes ne voyaient pas l'intérêt de l'Union européenne et ce même si le pays de Galles a reçu d'importants financements pendant des années", explique Moya Jones, professeur de civilisation britannique à l'université de Bordeaux-Montaigne. Les discours alarmistes sur les risques de dévalutation des retraites et des investissements immobiliers liés à la chute de la livre sterling n'ont eu que peu de portée, poursuit-elle. "[Les Gallois] ont répondu 'Mais quelle maison ? Quelle retraite ?' Le taux de chômage et de pauvreté est très élevé au Pays de Galles, ils n'avaient rien à perdre alors ils ont voulu essayer autre chose."

Pour la spécialiste du Pays de Galles, la peur de l'autre est un autre facteur déterminant : "Les migrants qui arrivent dans l'ouest et le nord du pays ne veulent pas apprendre le gallois. Ils préfèrent l'anglais. Et dans la tête des gens, ils arrivent pour prendre leur travail."

Une défiance politique

Pourtant, les partisans du "remain" n'ont pas ménagé leurs efforts. Tous les partis traditionnels ont appelé leur électorat à se mobiliser pour rester dans l'UE : les travaillistes, les conservateurs, mais aussi le Plaid Cymru, qui, bien que nationaliste, est pro-Europe.

Alors que s'est-il passé ? "Dans un référendum, on ne vote pas pour un parti", rappelle Moya Jones. "C'est un vote simple, c'est noir ou blanc, c'est oui ou non. Les gens étaient fatigués de la politique depuis les législatives du mois précédent et ils n'ont pas suivi les consignes de vote. Ils ont voté avec leur cœur."

Le Pays de Galles plaide pour un marché unique

Le 23 janvier dernier, le Premier ministre gallois, le travailliste Carwyn Jones, a signé conjointement avec le Plaid Cymru un Livre blanc indiquant les revendications du Pays de Galles en vue du Brexit. Pour Leanne Wood, la situation est claire : "Il est vital pour l'économie galloise de rester membre du marché unique", déclare-t-elle dans News North Wales. "Au total 200 000 emplois reposent sur l'Union européenne. Je ne dis pas qu'ils s'en iront en même temps que notre appartenance à l'Union mais il y a un risque certain."

La décision de la Cour suprême de consulter uniquement le Parlement du Royaume-Uni et non les parlements régionaux a ulcéré les nationalistes du Plaid Cymru. Dans un communiqué consulté par France 24, Stefan Lewis, député du Plaid Cymru au Senedd, le Parlement gallois, note que "la décision de la Cour suprême souligne que le Royaume-Uni est loin d'être une famille de nations égales. Nous ne pouvons permettre que l'establishment de Westminster ne choisisse un Brexit servant leurs intérêts avant tout."

"Le discours du 17 janvier de la Première ministre sur le Brexit a généré plus de débats qu'il n'a éclairé ses intentions", continue-t-il. "Nous ne savons toujours pas comment elle compte protéger les emplois et l'économie gallois."

"C'est normal, il faut que leurs électeurs voient qu'ils travaillent à la défense de leurs intérêts", analyse Moya Jones. "Au Pays de Galles, ils veulent faire pression sur Westminster pour qu'au fur et à mesure des tractations, on ne les oublie pas."

L'indépendance est loin

De là à agiter le drapeau de l'indépendance à l'instar de leurs camarades écossais du SNP ? Peu probable selon Moya Jones : "Ils ne menaceront pas d'indépendance. Il n'y a pas cet appétit comme en Écosse. L'économie galloise ne pourrait pas le supporter."

Il y aussi, selon la chercheuse, des raisons historiques derrière cette absence de vélléité indépendantiste : "Le Pays de Galles a été envahi dès le XIIIe siècle, écrasé par les rois anglais puis absorbé au XVIe siècle par Henri VIII. Le pays n'a pas eu d'identité séparée, ni législative, ni administrative, ni juridique." Alors qu’au même moment, l'Écosse disposait, elle, toujours de son propre système de gouvernement avec ses institutions et sa monarchie et ce jusqu'en 1707, date de l'Acte d'Union.

"En Écosse, quand le Parlement a été rétabli en 1998, on a parlé de réouverture même si elle avait lieu avec un délai de 300 ans", note Moya Jones. "Au Pays de Galles, la création d'une assemblée locale était une nouveauté constitutionnelle totale."

Le Plaid Cymru espère pourtant instaurer un rapport de forces avec Londres. Prenant exemple sur le SNP écossais, les députés du parti nationaliste au Senedd ont demandé un vote symbolique pour s'opposer au déclenchement de l'article 50 par Theresa May le 9 février. Peine perdue, la motion du parti a généré peu de soutiens, même de la part de leurs alliés travaillistes avec qui ils avaient pourtant cosigné le Livre blanc. Le leader travailliste Carwyn Jones ne veut pas entendre parler de blocage du Brexit : "Nous ne pouvons pas et nous ne devrions pas bloquer le déclenchement des négociations. Le résultat du référendum était clair et nous devons le respecter." Reste à en tenter d'en tirer le meilleur parti.