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Entre couacs et critiques, le centre de déradicalisation de Pontourny joue sa survie

Vide de tout pensionnaire depuis le 9 février, le centre de déradicalisation de Pontourny, en Indre-et-Loire, sera fixé sur son sort dans les prochaines semaines. Les élus locaux réclament un moratoire pour "tout remettre sur la table".

Inauguré en grandes pompes en septembre 2016, le centre de déradicalisation de Pontourny, le premier et le seul en France, est officiellement vide depuis le 9 février, après que son dernier pensionnaire a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violences et apologie du terrorisme.

Lors d'une réunion du comité de suivi du fonctionnement du centre, vendredi 10 février, les élus locaux ont réclamé un moratoire "d'au minimum un mois" pour décider de son avenir et "tout remettre sur la table". Si pour le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, une fermeture n'est pas envisagée, pour le député PS de la circonscription, Laurent Baumel, un débat sur la question doit avoir lieu.

Un site qui se voulait prototype

À l'origine, ce premier centre de "prévention, d'insertion et de citoyenneté" (CPIC), avait été conçu pour 25 à 30 jeunes "volontaires en voie de radicalisation" durant une période maximum de dix mois dans une structure comprenant une trentaine de salariés, renforcée par des intervenants extérieurs.

Cependant, le centre n'a jamais fonctionné "à pleine puissance". Il n'a reçu qu'un maximum de neuf jeunes depuis son ouverture, a indiqué Jean-Luc Dupont, maire LR de Chinon et président de la communauté de communes.

Depuis son ouverture, il s’est heurté à l'hostilité des riverains et les élus avaient exprimé de fortes réticences. Pour vaincre ces oppositions, le gouvernement s'était engagé à n'intégrer que des volontaires, qui ne seraient "pas sous main de justice pour faits de terrorisme, n'auraient pas tenté d'aller en Syrie ou n'auraient pas été condamnés pour des faits de violence". Dans ces conditions, pas facile de remplir le centre. Quant à en ouvrir un dans chacune des 13 régions que compte la France métropolitaine, le projet semble désormais à l'abandon.

Les riverains, rassemblés dans l'association "Radicalement digne de Pontourny", sont cependant toujours vent debout. Ils estiment avoir été floués sur ces promesses après deux "dysfonctionnements" : dès septembre, un pensionnaire avait dû être exclu après la révélation de précédentes condamnations pour des faits violents, et en janvier dernier, l'interpellation en Alsace d'un pensionnaire du centre lors d'une opération antijihadiste a constitué "le couac de trop", pour le député PS de la circonscription.

"L'État nous a constamment menti. Aux riverains, aux élus locaux, à la presse. Dès début septembre, il y avait un individu de Strasbourg qui faisait partie de la filière de ceux qui ont massacré au Bataclan. Il y a eu un fiché S", dénonce Michel Carrier, président de l'association d'opposants. Une nouvelle manifestation pour appeler à la fermeture doit avoir lieu samedi 11 février à Beaumont-en-Véron.

L'avenir du centre en question

"La question de la fermeture du centre reste posée, mais l'État souhaite continuer l'expérience, même s'il admet des difficultés sérieuses", a expliqué aux journalistes Laurent Baumel. Selon lui, un moratoire d'un mois "va permettre de discuter sérieusement des garanties que l'État peut apporter quant au respect des critères qui avaient été fixés" sur le profil des jeunes qui peuvent être accueillis à Pontourny. "Si l'État dit : nous ne sommes pas capables de trouver des jeunes volontaires, il n'est pas question de continuer cette expérience en faisant venir des individus dangereux. La fermeture de ce centre, tel qu'il est, sera à mon avis inéluctable."

À droite, beaucoup dénoncent cette fermeture et en font déjà un argument politique contre le Parti socialiste. Sur Twitter, Rachida Dati, députée européenne dit qu'il y a "urgence" à ce que la France se dote une "politique et d'un programme sérieux de déradicalisation".

Qd la France se dotera enfin d'une réelle pol et d'un pgmme sérieux de #déradicalisation? Il y a urgence! https://t.co/l0TW2Mpc7X @europe1

— Rachida Dati ن (@datirachida) 9 février 2017

Eric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes a aussi mis son grain de sel :

Il n'y a pas de volontaires à la déradicalisation ? Alors ne leur demandons pas leur avis ! #Pontourny https://t.co/pb0L1hKXmW

— Eric Ciotti (@ECiotti) 9 février 2017

Marion Maréchal Le Pen, députée Front national  du Vaucluse, dénonce "l'escroquerie" de ces centres :

Cependant, le ministre de l'Intérieur a écarté la fermeture de Pontourny. "Je peux vous dire que ce centre va rester ouvert", a-t-il déclaré vendredi sur Europe 1. "Localement, il n'y a jamais eu aucun problème avec ce centre." Il a par ailleurs annoncé "une évaluation à la fin du premier semestre".

"J'ai demandé au préfet de donner de nouveaux cas pour pouvoir le remplir", a ajouté M. Le Roux. Mais "l'objectif n'est pas de remplir à tout prix Pontourny. Il faut des profils idoines pour intégrer le centre", a-t-on tempéré au ministère de l'Intérieur, soucieux de ménager les susceptibilités locales.

Avec AFP