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Encouragée par le gouvernement israélien, la compagnie de théâtre national se produira fin novembre dans une colonie réputée extrémiste de la Cisjordanie occupée. Une décision qui a provoqué l'ire de nombreux intellectuels.

C’est une première culturelle, qui est loin de faire l’unanimité. Fin novembre, la compagnie Habima, équivalent israélien de la Comédie française, doit se produire à Kiryat Arba, une colonie de Cisjordanie occupée. Si cette décision a été bien accueillie par le gouvernement, une grande partie du monde de la culture ne décolère pas de voir qu'un théâtre national puisse se rendre dans un territoire que la communauté internationale ne reconnaît pas comme étant israélien.

Basée à Tel Aviv, Habima s'est certes déjà produite dans des colonies mais Kyriat Arba, qui jouxte la ville d’Hébron, a une réputation particulière. C'est notamment là que vivait l’extrémiste juif Baruch Goldstein, qui a massacré 29 fidèles musulmans en 1994. "Quand Habima […] choisit de se présenter dans une ville qui symbolise plus que toute autre la violence et le racisme de l’entreprise coloniale, elle franchit un cap d’une importance majeure", s’est ainsi insurgé sur Facebook, Haim Weiss, professeur de littérature à l’université Ben-Gourion.

Ironie du sort, la pièce que la compagnie nationale doit jouer à Kyriat Arba s'appelle "Une histoire toute simple", œuvre du prix Nobel de littérature Samuel Joseph Agnon.

"Nous allons partout où l’on nous réclame"

La ministre de la Culture, Miri Regev, ancienne militaire et membre du parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahou, s’est quant à elle réjouie de voir une scène nationale se produire dans les colonies. "Voilà comment un théâtre national doit se comporter", a-t-elle écrit sur Twitter la semaine dernière. Et d’ajouter plus tard, comme le rapporte le journal britannique The Guardian : "La décision de jouer pour la première fois à Hébron illustre la position centrale du théâtre national en tant que pionnier dans le traitement égalitaire de tous les citoyens dans leur droit à la culture. J’encourage Habima dans sa ferme position face à la vague de critiques venues de la gauche et je suis désolée de voir certains sur notre terre agir comme les plus vils des intimidateurs BDS [campagne internationale de boycott à l’encontre d’Israël]".

"Nous allons partout où l’on nous réclame", a affirmé sur la radio publique israélienne la directrice générale d’Habima, Odelia Friedman, pour qui les colons ont le même droit à la culture subventionnée que n’importe quel autre citoyen israélien.

"Nous renforçons la souffrance d'autres personnes"

Des propos jugés fallacieux par l'acteur et réalisateur Oded Kotler. "Lorsque nous disons ‘la nation, Israël ou national’, cela n'inclut pas les Territoires occupés, a-t-il rappelé à la radio publique. En menant une activité prétendument  purement culturelle dans ces lieux, nous renforçons la souffrance d'autres personnes, qui se poursuit depuis des années et des années et nous empêche en fait de faire la paix."

Depuis sa prise de fonctions en 2015, la ministre de la Culture a engagé un véritable bras de fer avec le monde culturel israélien. D'un côté, elle encourage les artistes israéliens à se déplacer dans les colonies mais s'attaque régulièrement aux œuvres critiquant l'État hébreu et ses politiques. Il y a un an, Miri Regev avait ainsi menacé de couper les subventions d'un théâtre de Jaffa, dont le directeur refusait de produire l’un de ses spectacles dans une colonie israélienne de Cisjordanie.

Plus de 400 000 Israéliens vivent dans des colonies en Cisjordanie, ce que la communauté internationale considère comme l'un des principaux obstacles à la paix.

Avec AFP