
Halloween n'a pas toujours été ce raz-de-marée mercantile d'objets noirs et oranges. Ce sont les Celtes qui, il y a plus de deux millénaires, ont commencé à célébrer cette nuit-là leurs défunts en visite annuelle dans le monde des vivants.
"Trick or treat !", crient joyeusement les enfants qui, dans la plupart des pays anglo-saxons, le soir du 31 octobre, sautillent de porte en porte à la recherche de bonbons. Munis d’une citrouille en plastique en guise de réceptacle à butin sucré, grimés en vampire, en zombie ou autre figure effrayante de la culture hollywoodienne, ils symbolisent les âmes des morts en visite dans le monde des vivants.
Vue de France – où les courges d’Halloween n’ont jamais pris racine, et ce malgré les tentatives répétées de nombreux industriels –, cette tradition apparaît comme essentiellement commerciale. Mais Halloween n'est depuis peu qu'un déferlement de décorations douteuses dans les rayons des supermarchés, ou, tout au mieux, un jour heureux pour les plus petits. Il y a 2 500 ans, dans le monde celtique aux dieux titanesques, celle que l’on appelait alors la fête de Samain, ou Samhain, devait d'ailleurs être beaucoup plus effrayante.
Une nuit durant laquelle les frontières entre monde des vivants et au-delà étaient ouvertes
Célébrant à la fois le début de l’année et celui de la saison "sombre" (en opposition à la "claire", les Celtes n’ayant alors que deux saisons), elle correspondait surtout à cette étrange nuit durant laquelle les frontières entre monde des vivants et au-delà étaient exceptionnellement ouvertes.
Du banquet païen aux culte des Saints
"La principale fête des Celtes est celle du 1er novembre : Samain, Samhuin en irlandais, ce qui correspond au terme gaulois samonios, (…) signifie étymologiquement la fin de l’été, autrement dit le début de l’hiver. C’est le premier jour de l’année nouvelle, ou la première nuit car les Celtes comptent par nuits", écrit Jean Markale, spécialiste du monde celtique, dans son ouvrage "Le Druidisme".
Car même si les festivités duraient sept jours au total – le jour de Samain lui-même, trois jours avant et trois jours après –, c’est bien de cette nuit-là qu’Halloween tire son héritage, une nuit qui n’appartient ni à l’année qui se termine, ni à celle qui commence.
La célébration, obligatoire dans toute société à rites druidiques, se déroulait dans une ambiance très festive, rythmée par de gargantuesques banquets et une série de sacrifices. Véritable parenthèse temporelle, elle marquait aussi une trêve dans les combats ou encore la fin des travaux agraires.
Mais au VIIe siècle, le Christianisme, qui réprime fortement le paganisme, finira par avoir raison d’elle. Le pape Grégoire IV est celui qui enterre Samain (pas bien profondément tout de même) et qui officialise, en date du 1er novembre, la "fête de tous les saints" : en l’an 835 a lieu la première Toussaint.
La légende de Jack à la lanterne
Douze siècles plus tard, entre 1845 et 1851, l’Irlande crie famine. De nombreux citoyens irlandais et écossais décident alors de traverser l’Atlantique pour survivre, emportant dans leurs valises une tradition qui leur est chère : celle de "All Hallows-Even", contraction de "The evening of all saints’ day", autrement dit "la veillée de la Toussaint".
Célébration catholique empreinte de légendes populaires, les Irlandais et Écossais l’associaient encore très largement au personnage de conte de Jack-o’-lantern, ou Jack à la lanterne, dont on trouve des traces dès 1750. Ivrogne et mesquin, ce maréchal-ferrant prénommé Jack ne parvint jamais à entrer au paradis à cause de sa vie de débauche. Mais l’Enfer lui fut aussi refusé après plusieurs mésaventures avec le Diable de son vivant. Ainsi, depuis le jour de sa mort – un 31 octobre – il fut condamné à errer dans le noir avec pour seul repère un navet creusé en guise de lanterne.
Sur le territoire américain, les citrouilles se faisant plus courantes – et plus adaptées à la sculpture – que les navets, elles y devinrent le symbole de cette fête qui gagna en popularité durant tout le XXème siècle. Au point d'en faire totalement oublier ses racines celtiques.
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