
Une photo, datée du 23 avril 1957, montre l'homme politique marocain Mehdi Ben Barka (au centre) à Casablanca. © AFP
Qui a enlevé Mehdi Ben Barka à Paris le 29 octobre 1965 devant la brasserie Lipp à Paris ? Ni la justice, ni les médias, n'ont réussi à désigner le ou les auteurs de la disparition de cet opposant au roi du Maroc dont le corps n'a jamais été retrouvé.
Deux journalistes affirment avoir enfin élucidé cette affaire dans un récent ouvrage intitulé "L'Affaire Ben Barka, la fin des secrets" (éditions Grasset). Stephen Smith, spécialiste de l'Afrique, et Ronen Bergman, du New York Times et auteur de plusieurs ouvrages sur les services secrets, ont eu accès à des "archives confidentielles", notamment israéliennes, pour recréer heure par heure la disparition et la mort de Mehdi Ben Barka et établir la chaîne de responsabilités.
L'affaire Ben Barka est "une triangulation de conflits d'intérêt entre la France, le Maroc et Israël", affirment les deux auteurs, à propos du "plus grand scandale de la Ve République".
Figure de proue du mouvement anticolonialiste, Mehdi Ben Barka, 45 ans, avait rendez-vous à la brasserie Lipp, à Paris, avec trois personnes : Philippe Bernier, journaliste, Georges Franju, cinéaste, et Georges Figon, producteur. L’enjeu de cette rencontre était la signature d’un contrat pour la production d’un film sur les luttes anticoloniales. Il a été enlevé en sortant du restaurant, avant d'être caché et de mourir noyé, la tête plongée dans une baignoire remplie, détaillent Stephen Smith et Ronen Bergman dans le livre.
Son corps n'a jamais été retrouvé. Il aurait été enterré dans une forêt de la région parisienne, indiquent les auteurs sur la base de témoignages.
Des documents secrets jamais déclassifiés
Selon Stephen Smith et Ronen Bergman, cette disparition a été menée sur ordre du roi Hassan II par des agents marocains aidés de truands parisiens, avec le soutien des services secrets israéliens et la bienveillance de hauts responsables français, ce qui a provoqué la colère du président de l'époque, le général de Gaulle.
Un premier procès en 1967 avait déjà permis d'établir que l'enlèvement avait été planifié par les services secrets marocains avec la complicité de policiers et de truands français. Mais l'affaire n'avait pas été totalement élucidée.
L'enquête, présentée comme la plus ancienne de France, n'est pas close. La juge d'instruction a auditionné en juillet le fils de l'opposant, Bachir Ben Barka, qui a dit espérer de prochaines "avancées".
Bachir Ben Barka avait adressé l'an dernier, à l'occasion du 59e anniversaire de la disparition de son père, une lettre ouverte au roi du Maroc et au président français Emmanuel Macron, qui réalisait alors une tournée dans le royaume chérifien. Il listait alors les "obstacles au nom de la raison d’État" empêchant les magistrats instructeurs saisis d'apporter les réponses à une "légitime quête de vérité"..
L'affaire Ben Barka avait déjà donné lieu à la publication d'un livre cette année en France, une BD signée par le journaliste David Servenay et le dessinateur Jacques Raynal.
Pour afficher ce contenu YouTube, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixUne extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.
Réessayer
Invité de France 24, David Servenay avait alors insisté sur l'importance de la déclassification des documents des services de renseignements américains, français et marocains, en jugeant qu'ils contiennent forcément "un certain nombre de réponses aux mystères qui entourent encore l'affaire Ben Barka."
Avec AFP
