![Journalistes tunisiens disparus en Libye : une mère courage accuse Tunis Journalistes tunisiens disparus en Libye : une mère courage accuse Tunis](/data/posts/2022/07/21/1658427421_Journalistes-tunisiens-disparus-en-Libye-une-mere-courage-accuse-Tunis.jpg)
Interrogée par France 24, Sonia Rajab Ktari, la mère de l’un des deux journalistes tunisiens portés disparus depuis deux ans en Libye, qui s’est rendue sur place pour enquêter sur le sort de son fils, a accusé Tunis de négligence.
Une interminable quête de vérité. Cela fait plus de deux ans que les journalistes tunisiens Sofiène Chorabi et Nadhir Ktari sont portés disparus en Libye, où ils s’étaient rendus pour réaliser un reportage dans la région d’Ajdabiya, dans l’est du pays.
Tantôt donnés pour morts, assassinés par des jihadistes, tantôt annoncés toujours en vie par des officiels libyens et tunisiens, l’incertitude autour de leur sort reste une énigme et une déchirure pour leurs proches.
Ulcérés par cette situation, les parents de Nadhir Ktari se sont récemment rendus en Libye, où ils ont passé une vingtaine de jours sur les traces de leur fils. Sur place, ils ont tenté de trouver des réponses en entrant en contact avec des responsables libyens.
Une mère très remontée contre le gouvernement tunisien
Et la recherche semble avoir été fructueuse. S’exprimant le 14 septembre sur l’antenne arabophone de France 24, Sonia Rajeb Ktari, la mère de Nadhir, affirme avoir rapporté des informations et des documents au sujet de l’enlèvement des deux journalistes. Elle a annoncé qu’ils seraient bientôt dévoilés au public lors d’une conférence de presse.
"Au final, j’ai accompli le travail de l’État, j’ai fait ce qu’il aurait dû faire pour retrouver la trace de mon fils, accuse-t-elle. Tenez, je suis rentrée en Tunisie depuis deux semaines, et aucun responsable du gouvernement ne m’a contactée pour prendre connaissance des résultats de mes recherches en Libye ou pour prendre ma relève et continuer le travail. En réalité, ils n’en ont cure de nos enfants, personne ne cherche à nous écouter."
Pis, Sonia Rajeb Ktari a également accusé sans ambages les autorités tunisiennes "d’avoir tout fait pour tenter de classer cette affaire", et de "l’avoir négligée".
"En agissant de la sorte, en ne faisant rien pour nos fils, ils nous ont fait perdre beaucoup de temps, déplore-t-elle. Pas moins de six gouvernements se sont succédé depuis l’enlèvement de mon fils, et aucun d’eux n’a assumé sa responsabilité. Je n’ai plus aucune confiance en eux, c’est pourquoi nous avons décidé avec mon époux d’agir seuls en nous rendant sur place pour en avoir le cœur net."
Malgré les difficultés, l’optimisme reste de mise
Les parents des disparus ne sont pas les seuls à accuser le gouvernement d’inaction, bien qu’officiellement la nouvelle équipe du nouveau Premier ministre tunisien, Youssef Chahed, assure être "pleinement concernée" par ce dossier.
Le 8 septembre, deux ans jour pour jour après la disparition des deux journalistes, plusieurs ONG, dont Reporters sans frontières et Amnesty International, ont dénoncé "l'inertie et l'indifférence" des autorités tunisiennes et libyennes quant au sort des jeunes hommes. Elles ont notamment réclamé, à l’occasion de la "Journée nationale pour la protection des journalistes"- créée l’année dernière en hommage aux deux disparus tunisiens - la mise en place d'une commission d'enquête, promise il y a un an par les autorités.
"C’est une question qui concerne l’ensemble des citoyens du pays, explique à France 24 la journaliste tunisienne Sana Farhat. Quand une famille en arrive à être contrainte d’agir par ses propres moyens, a fortiori dans une zone dangereuse, cela démontre que le gouvernement a gravement manqué à ses devoirs, et ce depuis la disparition de Sofiène et de Nadhir." Et d’ajouter : "Il faut que l’on sache s’il s’agit d’un choix délibéré ou si cela est dû à son incompétence."
Selon les parents de Nadhir Ktari, l’enlèvement des deux journalistes tunisiens serait motivé par des raisons politiques inter-libyennes dans un pays où deux gouvernements rivaux se disputent le pouvoir. "Je n’ai aucun doute sur ce point, la Libye est déchirée par des divisions politiques et l’enlèvement de nos fils est une manière de faire pression sur l’État tunisien afin qu’il prenne position en faveur d’un camp contre l’autre. Or notre gouvernement refuse de s’engager sur cette question", explique Sonia Rajeb Ktari.
Interrogée sur le sort de son fils et celui de son collègue, cette mère courage reste optimiste, malgré les différentes annonces faisant état de leur exécution. "J’espère qu’ils sont toujours en vie et j’espère qu’avec l’aide de Dieu, nous réussirons à leur rendre la liberté."
Reste à savoir si le mystère de leur disparition et les incertitudes sur leur sort seront élucidés avec ou sans l’aide du gouvernement tunisien…