
À moins d’une semaine de la clôture des candidatures de la primaire de la droite, Nathalie Kosciusko-Morizet peine à réunir ses derniers parrainages. En cas d’échec, la course à droite à la présidentielle se jouera entre candidats en cravate.
Trouver quatre parrainages en quatre jours. Voilà la délicate mission (mais pas impossible) de Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate Les Républicains à la primaire à droite pour la présidentielle de 2017. Cette candidate atypique, volontiers perçue comme l'écolo-bobo de la droite, doit encore réunir les signatures de quatre parlementaires et un peu plus d'une centaine d’adhérents avant la date fatidique du 9 septembre. Au-delà de l’enjeu de sa présence dans la compétition, le suspense tient surtout dans la question de la présence d’une femme sur la ligne de départ de la primaire les 20 et 27 novembre prochains.
Outre la candidature de Nadine Morano, dont les chances de réunir les précieux paraphes des députés et sénateurs s’amenuisent un peu plus chaque jour, la candidature de NKM semble être la seule encore en passe de représenter la gent féminine. "La semaine dernière, je vous aurais dit que je ne croyais plus en ses chances de participer à la primaire, confesse à France 24 Soazig Quéméner, auteur du livre "NKM, la présidente" et rédactrice en chef du service politique de Marianne. Mais depuis qu’Alain Juppé a appelé ses soutiens à la parrainer, ça peut passer ric-rac".
"La primaire des ringards"
À la sortie de sa conférence de rentrée à Bordeaux lundi 5 septembre, Alain Juppé, annoncé comme le favori de la primaire, a en effet réaffirmé son soutien à la députée de l'Essonne. "Je pense que la présence de Nathalie Kosciusko-Morizet serait utile puisqu'elle représente une sensibilité, une vision de l'avenir, une connaissance de sujets tels que les nouvelles technologies, qui pourraient être très utiles dans le débat", a assuré le maire de Bordeaux. "Ce serait déplorable qu’il n’y ait pas de femmes à la primaire", avait-t-il déjà plaidé le 14 août à Hossegor.
Comme lui, d’autres ont indiqué vouloir sauver la soldate Kosciusko-Morizet. Ainsi, le filloniste Gilles Carrez lui a promis son parrainage, tout comme la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, qui n’est pourtant pas connue pour entretenir une vive sympathie à l’égard de la candidate LR. La sénatrice UDI Chantal Jouanno a elle aussi indiqué lundi dans les colonnes du Parisien qu'elle lui apporterait son parrainage.
Tous mettent en avant la nécessité d’avoir une représentante féminine au sein de la primaire. "L’absence de femme donnerait une image d’épouvantables sexistes des candidats de la droite", assure Thomas Guénolé, politologue et professeur à Sciences po à France 24. Pire, ce serait "désastreux", souligne de son côté Soazig Quéméner. "Tout ces hommes en costume cravate lors du premier débat télévisé, cela ne donnerait vraiment pas l’image d’un renouveau. Surtout si on compare cette primaire à celle du PS en 2011 qui comptait Ségolène Royal et Martine Aubry dans ses rangs. En somme, "sans elle, ce serait un peu la primaire des ringards", résume la journaliste reprenant à son compte les propres mots de NKM. À ceci près que la primaire socialiste ne compte actuellement qu'une seule candidature feminine, celle de Marie-Noëlle Lienemann.
Des soutiens stratégiques
Ces soutiens de la dernière heure seraient-ils ainsi animés par la seule volonté d’offrir une belle image du parti ? Pas sûr, si l’on en croit plusieurs observateurs de la chose politique. "L’affaire est avant tout stratégique, chacun y voit d’abord son intérêt particulier, estime Thomas Guénolé. Alain Juppé, déjà très haut dans les sondages, a tout intérêt à la soutenir car il a besoin d’une personnalité plus à gauche que lui pour rassembler le maximum de voix au second tour".
C’est aussi "un joli coup pour Valérie Pécresse, assure Soazig Quéméner. Celle qui a toujours été un peu en dessous de NKM dans la hiérarchie du parti LR trouve là une belle occasion de prendre le dessus sur sa rivale". Chantal Jouanno, fervente militante de la cause écologiste à droite, y voit, elle, "une occasion rêvée de mettre en avant les sujets environnementaux dans le débat politique", analyse la rédactrice en chef de Marianne. Certains, comme François Fillon, s’exonèrent des critiques machistes qui pourraient voir le jour dans l’hypothèse où il n’y aurait aucune femme dans la primaire de la droite et du centre.
NKM, un homme politique comme les autres
Pas question pour les autres en revanche d’apporter leur soutien à l’ancienne ministre de l’écologie. Si Éric Woerth, soutien de Nicolas Sarkozy, a indiqué lundi sur Radio Classique souhaiter "que Nathalie Kosciusko-Morizet soit candidate", il a toutefois rappelé qu’il y avait "des règles à respecter", et qu’ "aider c'est manipuler". Même discours pour Bruno Lemaire. "Nicolas Sarkozy et Bruno Lemaire n’ont, en ce qui les concerne, aucun intérêt à soutenir sa candidature si ce n’est perdre des voix", note Soazig Quéméner.
Le problème de la candidature de cette ancienne polytechnicienne ne réside pas dans le simple fait qu’elle soit une femme mais dans ses idées, estime Thomas Guénolé. "NKM a dû mal à récolter ses parrainages parce que ses propositions, plus souvent proches du centre gauche, posent un problème d’incompatibilité avec les électeurs de droite." Cette discordance idéologique ne doit tout de même pas faire oublier le fait que "la faible représentativité des femmes au sein de la primaire reflète bien le sexisme général qui règne au sein du parti Les Républicains", poursuit le chroniqueur politique.
Reste que la candidate rappelle à tout bout de champ qu’elle ne veut pas être réduite à sa condition de femme, préférant débattre sur ses idées. Pourtant, sur son site de campagne qui s’ouvre sur le slogan "Parrainez la parité, parrainez NKM", l’élue de l’Essonne écrit dès le premier paragraphe de la lettre adressée aux internautes qu’elle ne peut imaginer "qu'aucune femme ne participe au débat." Une position ambigüe qui ne surprend pas la spécialiste politique. "NKM a toujours su jouer de sa condition de femme quand cela l’arrangeait, pour servir ses intérêts politiques. C’est un véritable stratège. En fait, c’est un homme politique".