
De nombreux maires ayant publié un arrêté anti-burkini ont décidé de le maintenir malgré la décision du Conseil d'État. L'avocat de la Ligue des droits de l'Homme affirme que ces arrêtés "vont être attaqués" comme l'a été celui de Villeneuve-Loubet.
La polémique sur le burkini n'en finit pas. Malgré la suspension par le Conseil d'État de l'arrêté anti-burkini de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), plusieurs communes, Nice en tête, résistent, s'exposant à de nouveaux recours.
Le Conseil d'État a mis, vendredi 26 août, un coup d'arrêt aux interdictions des tenues "ne respectant pas la laïcité" sur les plages publiques prises par une trentaine de communes du littoral, en appelant au "respect des libertés garanties par les lois".
Le premier concerné, Lionnel Luca, député-maire LR de Villeneuve-Loubet, a annoncé qu'il se conformerait à la décision de la juridiction administrative suprême. "J'appliquerai bien sûr, la décision du Conseil d'État, quoi qu'on en pense", a réagi M. Luca, tout en se disant favorable à une loi sur cette question, à l'instar de nombreux élus de droite et d'extrême droite.
Toutefois, de nombreux maires – notamment ceux de Nice, Menton, Fréjus, Mandelieu-la-Napoule, ou encore de Sisco en Haute-Corse, de Leucate (Aude) ou du Touquet (Pas-de-Calais) – ont fait savoir que leurs arrêtés demeuraient en vigueur.
Une prise de position symbolique puisque ceux-ci ont une durée d'application limitée à fin août, mi-septembre, selon les cas, et que les verbalisations ont été rares.
"Tous ces arrêtés, s'ils sont maintenus, vont être attaqués", a averti samedi Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'Homme qui avait saisi le Conseil d'État. "La LDH a d'ores et déjà prévu de demander le retrait de ces différents arrêtés" qui "ne sont pas conformes aux libertés fondamentales". "J'ai du mal à comprendre comment des hommes politiques continuent à argumenter sur une polémique qui n'a plus lieu d'être", a-t-il ajouté.
La décision du Conseil d'État "n'épuise pas le débat qui s'est ouvert"
Le Premier ministre, Manuel Valls, estime que la décision du Conseil d'État "n'épuise pas le débat qui s'est ouvert" sur cette question. "Rester silencieux, comme par le passé, c'est un petit renoncement. Une démission de plus", a-t-il dit sur sa page Facebook, au moment où le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, prônait "l'apaisement".
À Nice, la mairie a fait savoir que les femmes portant un burkini "continueront d'être verbalisées", tant que l'arrêté n'est pas invalidé.
Le maire FN de Fréjus, David Rachline, soutient que son arrêté reste "valable", jusqu'au 12 septembre, n'étant sous le coup d'"aucune procédure".
Le député-maire LR du Touquet, Daniel Fasquelle, juge que son arrêté visant à "assurer la sécurité sur la plage" n'a été que "partiellement invalidé" par la décision du Conseil d'État et "continuera de s'appliquer".
Le député-maire LR de Menton a affirmé à l'AFP qu'il maintenait son arrêté, qui s'applique jusqu'au 31 août, et que la situation "extrêmement tendue" dans sa ville frontalière avec l'Italie "doit être prise en compte".
Quelques maires changent d’avis
En revanche, d’autres maires ont décidé de retirer leur arrêté. C’est le cas du maire d'Eze, une petite commune des Alpes-Maritimes, Stéphane Cherki (DVD) qui a annoncé l’annulation de son arrêté "par respect du Conseil d'État", précisant qu'aucune femme en burkini n'avait été verbalisée dans sa commune.
Le maire DVD de Cagnano (Haute-Corse) Albert Mattei va lui aussi retirer l'arrêté qu'il avait pris au lendemain de celui de Sisco.
"J'avais peut-être été un peu vite car, personnellement, j'ai fait cet arrêté pour défendre la liberté des femmes, mais on constate que beaucoup de gens demandent à pouvoir le porter", a-t-il dit à l'AFP. "Je ne vais pas restreindre les libertés individuelles, sinon on va finir par prendre un arrêté anti-seins nus ou autres. Et enfin, ça ne gêne pas grand monde" a-t-il affirmé.
Sur le littoral azuréen, Antibes est la seule grande commune à ne pas avoir pris de mesure d'interdiction. Le député-maire LR, Jean Leonetti, proche d'Alain Juppé, avait affirmé que ces arrêtés étaient "faciles à prendre mais très difficiles à mettre en œuvre".
Dans ce débat, les deux principaux candidats à la primaire de la droite ont défendu des lignes divergentes, l'ancien président Nicolas Sarkozy appelant à une interdiction du burkini, tandis que l'ex-Premier ministre Alain Juppé se dit opposé à "une loi de circonstance".
Avec AFP