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L’Unicef s'alarme de l’exploitation d'enfants dans la "jungle" de Calais

Une étude de l'Unicef accuse la France de délaisser les enfants migrants isolés. L'enquête de l'organisation de l'ONU menée à Calais, Dunkerque et dans les "jungles" du Nord révèle des cas de prostitution et de travail forcé.

Relatant des cas de prostitution et de travail forcé, une étude d'Unicef France a dressé jeudi 16 juin un tableau alarmant de la situation des migrants mineurs isolés en France. Les enfants et adolescents migrants qui attendent de traverser la Manche dans le Nord sont contraints de se livrer au crime et à la prostitution s'ils veulent s'assurer une place dans les camps de réfugiés ou la promesse d'un passage vers le Royaume-Uni, révèle l’enquête menée par le Fonds des Nations unies pour l'enfance auprès d'une soixantaine d'enfants et adolescents, venus d'Afghanistan, d'Égypte, d'Érythrée, d'Éthiopie, d'Iran, du Koweït, de Syrie et du Vietnam, rencontrés dans les campements de la Manche entre janvier et avril 2016.

L’organisme de l'ONU exhorte les autorités françaises à faire davantage pour la protection de ces enfants voyageant seuls. "La France est très loin de subvenir aux besoins des mineurs isolés", constate à son tour Alexandra Limousin, volontaire de l'Auberge des migrants interrogée par France 24. "C'est quand même à l'État et à la région de s'occuper des enfants" s'indigne-t-elle. Le plus jeune des migrants isolés recensé par son association était âgé de 8 ans, raconte la bénévole. "Et nous avons perdu sa trace".

Sur les quelque 206 200 migrants arrivées en Europe par la mer cette année (chiffres arrêtés au 4 juin), un tiers sont des mineurs, selon des chiffres cités par l'Unicef. Cinq cents mineurs non accompagnés vivent dans sept camps de la côte des départements du Nord et du Pas-de-Calais, notamment à Dunkerque et Calais, estime l'Unicef, qui ajoute que 2 000 enfants y sont passés en un an.

La crainte de se faire violer

"Nous avons entendu l'histoire de jeunes filles demandant cinq euros pour être sexuellement exploitées afin de pouvoir entrer dans le camp, ou pour commencer à payer leur passage vers le Royaume-Uni", alerte Mélanie Teff, responsable au sein de la branche britannique de l'organisation. Le rapport pointe deux formes de prostitutions : l'une au sein même des camps, dans les "bars improvisés de la "jungle" ou auprès des passeurs contre un droit de passage, l'autre, très organisée, liée à des proxénètes albanais, qui exploiteraient les jeunes filles à Paris, Lille, et peut-être Madrid.

Les enfants racontent que "celles qui se prostituent passent plus rapidement". "Toutes les filles reçoivent des propositions pour se prostituer, les plus faibles acceptent mais si tu refuses, on ne t’oblige pas. Sauf si tu dois de l’argent", confie l'une des femmes interrogée à l'Unicef. La prostitution concernerait directement environ une vingtaine de femmes sur Calais et quelques Vietnamiennes et Kurdes irakiennes à Grande-Synthe. Et toutes les jeunes mineures interviewées disent craindre de sortir le soir, "lorsqu’il fait nuit, de peur de se faire violer".

Abordant la question du viol et de la pédophilie, l'étude met aussi en avant un risque particulier pour les jeunes garçons afghans qui craignent de servir "d'objets sexuels à travers la pratique du 'Batcha boz'", une coutume populaire en Afghanistan, où de jeunes garçons travestis en femmes dansent devant des assemblées masculines.

Les enfants travaillent pour payer leur traversée

Face à des passeurs qui demandent entre 5 000 euros et 7 000 euros pour traverser la Manche, certains enfants cherchent des alternatives pour faire la traversée, et tentent par exemple de grimper à bord de camions frigorifiques.

D'autres fois, les passeurs utilisent aussi des mineurs pour détourner l'attention de la police et faire entrer leurs clients dans les camions, pour vendre de la drogue ou voler des objets revendus plus tard sur un marché informel de la "Jungle".

Plusieurs enfants ont dit à l'agence onusienne avoir été détenus par divers groupes criminels qui ont réclamé des rançons à leurs familles, tandis que d'autres ont raconté avoir été contraints de travailler dans des conditions proches de l'esclavage.

"Le manque de coordination des acteurs publics et associatifs"

"Il n'y a aucune scolarité de fournie et la plupart des nuits, les enfants errent des heures", dénonce encore Mélanie Teff. Des centres d'hébergement pour jeunes existent mais ils ne disposent que de quatre places pour les migrants à Calais, 45 à Saint-Omer, évalue l'étude. L'Unicef regrette un "manque de coordination des acteurs publics et associatifs". Mis bout à bout, le rapport met en évidence "une série de violations de la Convention relative aux droits de l'enfant ratifiée par la France" qui aboutit finalement à "une mise en danger permanente" des enfants.

D'autant que la situation se détériore, s'inquiète l'Auberge des migrants. À en croire les recensements effectués par l'association humanitaire, le nombre de mineurs isolés a bondi de 24 % depuis le mois de mai. Face au manque de structures étatiques, des initiatives associatives sont venues prendre le pas, comme un bus anglais installé par des bénévoles d'outre-Manche et qui abrite femmes et enfants, ou encore l'ouverture à venir d'un centre d'accueil de jour dédié par Médecins sans frontières, avec entre autres, un soutien psychologique.

Avec AFP et Reuters