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La jeune génération entend faire la différence

À l'approche de l'élection présidentielle, Téhéran est en ébullition. Très impliqués dans la campagne, les jeunes Iraniens attendent beaucoup de l'issue du scrutin. Pour nombre d'entre eux, l'enjeu est d'acquérir davantage de liberté.

Reuters - Envahies à la nuit tombée par les partisans des candidats à la présidence, les rues de Téhéran semblent davantage être le théâtre de fêtes géantes que d'une campagne électorale dans un Etat islamique.

A l'approche du scrutin présidentiel de vendredi, la plus célèbre avenue de la capitale iranienne change de visage sous
l'impulsion de jeunes qui bloquent la circulation, rivalisent de chants et emplissent de musique et de klaxons la grande artère bordée d'arbres.

Mais si beaucoup de ceux qui affluent sur Vali-ye Asr, avenue du nord plutôt aisé de Téhéran, disent leur désir de
changement politique, ils trouvent aussi dans ces rassemblements une occasion de se mêler en public aux personnes du sexe opposé.

"A 80% (...) ils viennent seulement pour s'amuser", explique Ashkan, un adolescent dont la voix est couverte par le concert
de la foule.

"C'est une excuse pour les garçons et les filles qui veulent se parler sans problèmes", ajoute-t-il, en référence à
l'interdiction faite en Iran aux hommes et aux femmes qui n'ont aucun lien de parenté d'entrer en relation.

Tandis qu'Ashkan témoigne, des hordes de motos traversent la foule et slaloment entre les voitures. Certaines transportent des passagers qui crient et agitent le drapeau rouge, blanc et vert de la République islamique.

Là, des garçons descendent de leurs voitures pour danser au rythme d'une musique populaire iranienne. Ici, de jeunes hommes et femmes s'immiscent à pied dans le trafic et brandissent des photos de leur candidat favori.

Le "V" de "victoire"

L'Iran n'avait pas assisté à de telles scènes de liesse collective depuis 1998 et la victoire de son équipe nationale contre les Etats-Unis pendant la Coupe du monde de football.

Un an auparavant, l'élection du réformateur Mohammad Khatami à la présidence avait elle aussi suscité l'émotion de la rue.

Plus de 60% de la population iranienne est âgée de moins de 30 ans, aussi le vote des jeunes est-il une des clés du

scrutin qui voit le conservateur Mahmoud Ahmadinejad briguer un second mandat face à trois adversaires.

Considéré comme le rival le plus sérieux du chef de l'Etat sortant, l'ancien Premier ministre Mirhossein Moussavi, porteur
d'une volonté de détente avec l'Occident, est particulièrement apprécié par la jeunesse du nord de Téhéran.

L'ébullition qui s'empare chaque soir de Vali-ye Asr est étroitement surveillée par les cordons de policiers déployés le
long de l'avenue, mais sans qu'ils n'interviennent.

Malgré des violences sporadiques dans d'autres parties de la capitale ces derniers jours, aucun signe de tension n'est
perceptible.

"Nos jeunes n'ont pas souvent la chance de dire ce qu'ils veulent. Ils aiment s'exprimer en descendant dans les rues",
observe Hamid Saeedi, un passant entre deux âges. Sous ses yeux, le vert domine le quartier adossé aux montagnes de l'Alborz.

La couleur de l'islam est aussi celle de Moussavi, dont les partisans s'affichent au volant de grosses cylindrées tapissées
de photos de l'ex-chef du gouvernement. D'autres arborent des bandeaux et bracelets verts et de leurs doigts, la main passée par la fenêtre, dessinent le V de victoire.

Mahmoud Ahmadinejad, champion auto-proclamé des plus pauvres, recueille plus de soutien dans le sud de la capitale et dans les zones rurales qui ont bénéficié de sa politique de distribution des revenus et d'investissements.

Mais ses partisans tentent de faire sentir leur présence partout et de battre ceux de Moussavi sur leur propre terrain.

"Je suis ici pour qu'Ahmadinejad sache qu'il n'est pas seul", lance Mehdi, 22 ans, grand jeune homme dont la tête est
enserrée d'un bandeau aux couleurs du drapeau iranien, devenues celles de la campagne du président sortant.

Plus loin, Saeed Ebrahimi, marchand de ballons aux couleurs de Moussavi, ne cache pas qu'il pourrait voter en faveur de
l'actuel chef de l'Etat : "Ahmadinejad est le seul qui soit attentif à nos soucis. Il nous a donné l'eau et l'électricité."