Le juge britannique chargé de l’enquête sur la mort de l’ex-agent du KGB, Alexandre Litvinenko, a accusé jeudi Vladimir Poutine d’avoir "probablement approuvé" cet assassinat. "Ça s'apparente peut-être à une blague" a rétorqué le Kremlin.
Le président russe Vladimir Poutine a-t-il commandité l'assassinat à Londres d’Alexandre Litvinenko, mort par empoisonnement fin novembre 2006 ? Pour le juge britannique Robert Owen, qui a mené l'enquête, cette hypothèse, qualifiée de "blague" par le Kremlin, ne fait presque aucun doute.
"Je suis sûr que [Andreï] Lougovoï [un ancien agent du KGB] et [Dmitr] Kovtoun [homme d’affaires russe] ont mis du polonium 210 dans la théière [de M. Litvinenko] le 1er novembre 2006. Je suis sûr qu'ils l'ont fait dans l'intention de l’empoisonner", a notamment écrit le juge Owen dans un rapport d’enquête rendu public jeudi 21 janvier.
"L'opération du FSB [nouveau nom du KGB] a probablement été approuvée par Patrouchev [Nikolaï Patrouchev, ex-chef du FSB] et aussi par le président Poutine", a ajouté le magistrat dans ses conclusions.
Un assassinat "commandité par un État", accuse David Cameron
Le meurtre de l'ex-agent du KGB a été "commandité par un État", a affirmé jeudi le Premier ministre britannique David Cameron depuis Davos. "Ce rapport confirme ce que nous avons toujours cru, et ce que le dernier gouvernement travailliste croyait à l'époque de ce meurtre épouvantable, c'est-à-dire qu'il a été commandité par un État", a-t-il déclaré aux télévisions britanniques.
"C'est pourquoi le précédent gouvernement avait décidé d'expulser les diplomates russes, de délivrer des mandats d'arrêt et de refuser de coopérer avec les agences de renseignement russes. Des mesures qui persistent", a ajouté le dirigeant britannique.
"Aujourd'hui, nous avons ajouté [à ces mesures] un gel des avoirs et allons solliciter à nouveau les autorités judiciaires pour voir ce qui peut être fait", a précisé David Cameron.
L'assassinat de Litvinenko a "probablement été approuvé" par Vladimir Poutine et le FSB, selon l'enquête
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— Oliver Bullough (@OliverBullough) 21 Janvier 2016Trois semaines avant sa mort, Alexandre Litvinenko, très critique envers le régime de Vladimir Poutine, avait pris un thé dans un bar du Millennium Hotel, dans le centre de Londres, en compagnie de Lougovoï, aujourd'hui député d'un parti nationaliste, et de Dmitri Kovtoun. L'enquête a permis de retrouver de fortes concentrations de polonium-210 dans le bar, et surtout sur la théière utilisée par Litvinenko.
Dans une lettre, écrite durant son agonie, l'ex-agent avait accusé Vladimir Poutine d'avoir commandité son meurtre. Litvinenko, qui avait obtenu la citoyenneté britannique, a été enterré dans un cimetière londonien, enfermé dans un cercueil en plomb pour contenir les radiations.
Moscou qualifie de "blague" l’enquête de Robert Owen
Sans surprise, la Russie a, de son côté, rejeté en bloc ces nouvelles accusations. "Ça s'apparente [...] peut-être à une blague. Visiblement, on peut relier ça à l'élégant humour britannique", a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ironisant sur le rapport "basé sur les informations confidentielles de services secrets non identifiés".
Il a en outre estimé que l'enquête était à même "d'empoisonner encore davantage l'atmosphère" entre la Russie et la Grande-Bretagne, regrettant que Londres ait choisi "la voie du gel non seulement de la coopération, mais également du dialogue".
"Les preuves que je présente établissent clairement la responsabilité de l'État russe dans la mort de M. Litvinenko", insiste pourtant Robert Owen dans son rapport.
Pour Marina Litvinenko, sa femme, c'est la fin d'un long combat pour connaître la vérité sur la mort de son mari, dans des circonstances dignes d'un roman d'espionnage du temps de la guerre froide. "C'était la dernière chose que je pouvais faire pour lui. Je dois défendre son nom et sa mémoire. Il est important pour moi d'avoir enfin une explication officielle", avait-elle déclaré en 2015.
"Mon mari a été tué par des agents de l'État russe dans ce premier acte de terrorisme nucléaire en plein cœur de Londres. Cela n'aurait pas eu lieu sans que Poutine soit au courant et donne son consentement", a-t-elle indiqué.
Une première enquête judiciaire s'était déjà penchée sur la possible implication du Kremlin dans la mort de Litvinenko. Mais celle-ci avait été bloquée après le refus de Moscou d'extrader Dmitri Kovtoun et Andreï Lougovoï.
Selon Robin Tam, un conseiller juridique du magistrat instructeur, Dmitri Kovtoun aurait confié à un ami qu'il était en possession d'un poison extrêmement cher et qu'il cherchait "un cuisinier" pour l'administrer à Litvinenko.
Si le magistrat instructeur Robert Owen confirme la thèse d'un assassinat commandité par Moscou, une piste qu'il avait "validée" dès l'ouverture de l'enquête, les relations entre la Russie et la Grande-Bretagne risquent une nouvelle fois de sérieusement se refroidir.
Avec AFP et Reuters