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Meurtre de Mehdi Kessaci : Marseille, une ville en état de choc
Les obsèques de Mehdi Kessaci, 20 ans, assassiné la semaine dernière à Marseille, se tiennent mardi après-midi sous forte surveillance policière. Le monde associatif et militant, où son frère Amine est engagé dans la lutte contre le narcobanditisme, est sidéré. Certains y voient une "nouvelle étape dans l’horreur" et redoutent l'omerta.
Un piéton passe devant un bouquet de fleurs déposé sur un mémorial à l'endroit où Mehdi Kessaci a été assassiné, à Marseille, le jour de ses funérailles, le 18 novembre 2025. © Christophe Simon, AFP

"Un cap supplémentaire dans la peur". Les obsèques de Mehdi Kessaci, assassiné à 20 ans, réunissent dans la douleur, mardi 18 novembre, les Marseillais effarés par cette "nouvelle étape dans l'horreur" du narcobanditisme et redoutant qu'elle n'entraîne l'omerta. Dans la deuxième ville de France, régulièrement frappée par les narchomicides, le monde associatif et militant engagé sur ces questions est en état de sidération.

Car cette fois, c'est la famille d'un des leurs, Amine Kessaci, publiquement et médiatiquement engagé contre les trafiquants depuis plusieurs années, qui a été touchée. Le jeune homme en avait fait son combat depuis la mort de son grand frère Brahim en 2020 dans un règlement de comptes. "Un crime d'intimidation" qui constitue "un point de bascule", selon le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez.

Sur le parking où son petit frère Mehdi a été tué jeudi, des bouquets de fleurs s'entassent. Christine Didon, yeux rougis, accroche un bouquet de roses blanches à un pylône. "Perdre comme ça deux enfants, c'est inhumain", explique cette professeure des écoles retraitée. Longtemps en poste à Frais-Vallon, la cité dont est originaire la famille Kessaci, elle déplore la paupérisation des quartiers marseillais sur laquelle les trafics prospèrent.

Dès le lendemain de l'assassinat, les habitants n'osaient pas parler. Un homme de 60 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom, résidant dans le quartier depuis plus de 20 ans, assure que "c'est de pire en pire". "Là, ils ont dépassé les limites, c'est trop".

Car si Marseille est tristement habituée aux homicides entre bandes rivales pour la reprise d'un point de stupéfiants, Mehdi, qui voulait devenir policier, était totalement étranger aux trafics. Si la thèse privilégiée est retenue, relève l'avocat de la famille, Me Mathieu Croizet, "il s'agirait du premier assassinat d'intimidation que Marseille subit".

Dans "Marseille, essuie tes larmes" (Le Bruit du monde), sorti à la rentrée, l'auteur de 22 ans Amine Kessaci s'attaque à ce qu'il appelle la "peste" du trafic de drogues. Dans cet ouvrage, il s'adresse à Brahim et dont les assassins présumés doivent être jugés dans les prochains mois. Amine et sa mère se sont portés parties civiles. Le jeune homme ne s'est pas encore exprimé, "on est dans le temps des pleurs, le temps de l'action viendra ensuite", assure son avocat.

"On est dans un état catastrophique"

Du côté des autres familles de victimes, "on est dans un état catastrophique", selon Atika Sadani, qui a perdu une nièce. "Jusqu'à présent on essayait de convaincre les mamans de parler aux médias, mais maintenant on fait quoi ? Si on dénonce, ça va pas, si on dénonce pas, ça va pas, on fait quoi ? On a peur".

Le Collectif des familles de victimes, dont elle fait partie, veut d'ailleurs se mettre en retrait pour le moment. "Une de ses anciennes porte-parole estime qu'on a 'franchi une nouvelle étape dans l'horreur' et ce combat devient 'trop lourd à porter'".

"On franchit un cap supplémentaire dans la peur qui va exister dans ces quartiers, mais qui n'est pas soluble, puisque on ne peut pas décider de les quitter, quand on vit dans un des quartiers au nord de Marseille, c'est souvent parce qu'on n'a pas le choix", analyse de son côté Jean-Baptiste Perrier, criminologue à l'université d'Aix-Marseille. "Ils vont vivre avec cette peur, comme d'autres ailleurs, qui ont eu à subir dans d'autres pays, les mafias, les trafics de stupéfiants, les cartels", ajoute l'universitaire.

"Mais on peut espérer aussi un sursaut comme en Italie contre la mafia, qu'on dise enfin 'basta !'", espère Me Croizet.

Face à la demande du candidat Rassemblement national aux municipales, Franck Allisio, de déclarer l'"état d'urgence" dans la deuxième ville de France, Romain Simmarano, porte-parole de la candidate de la droite et du centre Martine Vassal, estime que "face au terrorisme islamiste, les Français et les Marseillais ont continué de vivre. Contrairement à ce que pense le Rassemblement national, nous continuerons de vivre et ne cèderons pas aux narcotrafiquants".

Avec AFP