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Putsch au Burkina Faso : l'enregistrement qui agite le Web ivoirien et burkinabè

Diffusé sur Internet, l’enregistrement d’une conversation censée démontrer la collusion entre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, et les auteurs du putsch du 17 septembre au Burkina Faso agite médias et réseaux sociaux.

L’enregistrement fait grand bruit des deux côtés de la frontière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, mais rien ne prouve qu’il soit authentique. Depuis sa publication, jeudi 12 novembre sur Internet, médias en ligne et réseaux sociaux se font des gorges chaudes des écoutes téléphoniques présentées par ses diffuseurs comme une preuve de l’implication de Guillaume Soro, l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne, dans le coup d’État avorté du 17 septembre au Burkina Faso.

Sur la bande sonore, qui daterait du putsch, on entend deux hommes évoquant au téléphone les moyens de faire réussir le coup de force mené à Ouagadougou par les hommes du Régiment de sécurité présidentiel (RSP). Il y est question d’argent, de déstabilisation militaire, de projets d’assassinats...

Or, d’après ceux qui ont révélé le document, les deux interlocuteurs ne seraient autres que Guillaume Soro et Djibril Bassolé, l’ancien ministre burkinabè des Affaires étrangères du président déchu Blaise Compaoré aujourd’hui détenu pour haute trahison.

"Montage grossier"

Depuis la circulation de ce document audio de plus de 15 minutes sur les réseaux sociaux, les proches de Guillaume Soro crient à la "manipulation". Interrogé par Radio France internationale (RFI), Moussa Touré, son porte-parole, parle d’un "montage grossier" reprenant des extraits de la voix de Guillaume Soro mais aussi celle d’un imitateur. "Nous avons pris la peine de faire expertiser cet enregistrement par un expert indépendant. Ce rapport explique clairement qu’il y a des distorsions, des altérations, des rajouts de voix qui font que ce document est à 99 % un document totalement falsifié", affirme-t-il.

Sur le site internet de Guillaume Soro, un article intitulé "Sept bonnes raisons de jeter à la poubelle les prétendues écoutes téléphoniques" s’emploie à démontrer point par point l’inauthenticité du document. "Ces prétendues écoutes téléphoniques sont traversées par un fond sonore trouble, typique des bandes magnétiques traficotées. De nombreux logiciels existent aujourd’hui pour fabriquer artificiellement des voix et paroles à partir du calibrage des timbres vocaux des personnages qu’on veut imiter", peut-on lire sur le site. Pour l’heure, les autorités burkinabè ne se sont toujours pas exprimées sur le sujet.

Ce n’est pas la première fois que l’entourage de Guillaume Soro doit se défendre d’avoir cherché à prendre part au coup d’État burkinabè. En octobre, "Jeune Afrique" indiquait ainsi que l’entourage du Premier ministre burkinabè, Isaac Zida, accusait le président de l’Assemblée nationale ivoirienne d’avoir proposé son aide aux putschistes. "C’est du bluff ! Guillaume Soro n’a rien à voir avec ce putsch", s’était alors exclamé l’un de ses collaborateurs à l’hebdomadaire.

"Commanditaires", "complices", "exécutants"…

La diffusion de l’enregistrement controversé intervient également alors que la commission d'enquête sur le putsch du 17 septembre au Burkina Faso a publié un rapport dans lequel elle assure avoir identifié "commanditaires", "complices" et "exécutants" du coup d’État. "Nous avons identifié les personnes mais cela ne fait pas d'elles des coupables, elles jouissent de la présomption d'innocence", a indiqué, jeudi, Simplice Poda, le président de la commission.

Ce rapport, dont le contenu n'a pas été dévoilé, avait été commandé par le gouvernement le 25 septembre, lors de la création de la commission pour "situer les responsabilités, identifier les auteurs, complices, militaires et civils, impliqués dans la tentative de coup d'État perpétrée le 16 septembre 2015".

Des soldats du RSP, l'ancienne garde prétorienne du président déchu Blaise Compaoré, avaient fait irruption dans le palais présidentiel le 16 septembre en plein Conseil des ministres, prenant en otage le président, Michel Kafando, le Premier ministre Isaac Zida, et plusieurs ministres, avant de proclamer le coup d'État le lendemain. Mais la mobilisation populaire a conduit à l'échec du putsch, permettant le retour du gouvernement de Michel Kafando au pouvoir.