Une nuit chez Louis XIV ? Le château de Versailles a récemment lancé un appel d'offres pour la transformation en hôtel de luxe d'un ensemble de trois bâtiments délabrés situés dans son enceinte. Un moyen de financer leur rénovation.
Du château de Versailles, on connaît les ors et les fastes. Pourtant, le joyau du patrimoine français affiche aussi une facette moins glorieuse, faite de murs délabrés et de peintures écaillées. C’est le cas de trois bâtiments : le Grand Contrôle, le Petit Contrôle, ainsi que le Pavillon des premières cent marches, situés dans le coin sud-est de l'enceinte du château.
Mais cette situation ne devrait pas durer. En effet, ces bâtiments du XVIIe siècle seront bientôt rénovés et transformés dans le cadre d’un projet d'hôtellerie de luxe. L'Établissement public du château de Versailles a lancé, le 18 août, un appel d'offres pour la transformation de cet ensemble longeant le parterre de l'Orangerie, d'une superficie totale de 2 800 m2. L'investisseur qui sera choisi obtiendra une concession de 60 ans sur le site, contre un investissement estimé entre quatre millions et sept millions d'euros pour la rénovation de la toiture et des murs.
Le groupe AccorHotels, numéro un du marché, a déjà exprimé son intérêt pour le projet, selon le "Journal du Dimanche".
Une chambre d’hôtel chez les ministres de Louis XVI
La pièce maîtresse du projet est incontestablement le bâtiment dit du Grand Contrôle, un manoir de 1 700 m2. Construit par le célèbre architecte Jules Hardouin-Mansart, il a servi au contrôle général des finances pendant une grande partie du XVIIIe siècle. Ainsi, les clients du futur "hôtel de charme" logeront dans des pièces qui ont accueilli des hauts responsables et des ministres de Louis XVI.
Malgré son aspect décrépi, le site jouit d’un vaste potentiel avec quelques chambres donnant sur le jardin de l’Orangerie, où les jardiniers de Versailles font notamment pousser des orangers et des grenadiers. D’autres pièces offrent une vue sur l'aile sud du château.
Interrogés par France 24, certains visiteurs se disent séduits par le projet. En espérant toutefois que certaines conditions soient respectées. "S’ils ont besoin d’ouvrir un hôtel de luxe pour pouvoir rénover certains sites, alors ils devraient le faire parce qu’il est important de préserver ce lieu unique, indique Benjamin Wong, un touriste singapourien. Par contre, il ne faut pas tomber dans la commercialisation à outrance, parce que nous ne voulons pas voir un McDonalds ou ce genre de choses à Versailles ".
Même son de cloche du côté d’un hôtelier de Versailles, qui a souhaité rester anonyme. "Compte tenu de l'état des finances publiques en France, cette initiative ne me dérange pas. De toute façon, on est sûr qu’ils ne vont pas dépecer les bâtiments et les envoyer au Qatar. Cela m’ennuie plus quand ils privatisent une plage, "dit-il, en référence une plage récemment privatisée par le roi d’Arabie saoudite, à Vallauris (Alpes-Maritimes).
Privatiser le patrimoine français
Autant d’éventualités balayées d’un revers de la main par les services du château de Versailles, qui rappellent que le standing et la réputation du site excluent ce genre de dérives. En outre, le projet de rénovation sera strictement supervisé par un architecte du bureau des monuments nationaux. L'investisseur devra respecter la composition originale des bâtiments.
La privatisation, même temporaire, de structures ou de monuments historiques appartenant au patrimoine est un sujet très sensible en France – a fortiori pour un site d’une si grande valeur culturelle.
"Il n'y a pas d’objets classés (meubles, tapisserie, plafonds peints, etc.) à l'intérieur et ces bâtiments ne présentent pas d'intérêt pour le grand public, a confié une source au sein des services du château de Versailles. Notre priorité est d'obtenir la rénovation de ces édifices, car nous ne voulons pas voir notre patrimoine tomber en ruines comme cela".