La chancelière allemande ne doit pas être ravie que le verbe "merkeln", dérivé de son nom, signifie ne pas se décider. Surtout qu'il est en passe de devenir le mot "jeune" de l'année en Allemagne.
Pour les jeunes Allemands, la chancelière Angela Merkel vaut bien un verbe. "Merkeln" est même parti pour être sacré, fin octobre, mot 2015 des jeunes et entrer dans le dictionnaire du jargon jeune. Il est actuellement loin devant une trentaine d’autres termes inventés par des moins de 30 ans dans le grand sondage annuel de l’éditeur de dictionnaires Langenscheidt.
Angela Merkel peut donc être rassurée : son offensive de charme auprès de la jeunesse allemande - une interview exclusive avec une star de YouTube et des discussions publiques avec des adolescents - a porté ses fruits.
"Merkeln" ou la constance de l'hésitation
Pour autant, la popularité de "merkeln" ne va pas non plus remplir d'aise la chef du gouvernement. Ce mot signifie, en effet, "ne rien faire, ne pas savoir prendre une décision, ne pas donner son propre point de vue". Une définition qui peut étonner hors d'Allemagne, où Angela Merkel passe plutôt pour une femme à poigne, une sorte de chancelière de fer qui arrive régulièrement en tête des classements des femmes les plus puissantes du monde.
Dans son pays, la puissante femme politique a une autre réputation. Les Allemands lui ont longtemps reproché d'être trop hésitante à l'égard de la Grèce, de se taire sur les questions de gouvernance européenne ou encore d'avancer trop lentement sur le dossier de la transition énergétique. C'est donc cet aspect de sa personnalité que les jeunes ont choisi d'honorer dans leur jargon. Une image qui risque de ne pas faire les affaires politiques de celle qui hésite, justement, à se présenter pour un quatrième mandat de chancelière.
Sans la révolte des Kevin allemands, Angela Merkel n'aurait peut-être pas eu une telle publicité pour sa supposée tendance à l’inaction. Jusqu’à fin juillet, c’est, en effet, le barbarisme Alpha-Kevin qui était le favori pour devenir le mot jeune de l’année. Il désigne le plus bête d’entre tous, ce qui a fortement déplu aux Kevin qui ont obtenu de Langenscheidt que le terme soit retiré de la course.
"Merkeln" plus fort que le "smombie" ou la "cloudophobie"
Si "merkeln" devient, en octobre, le mot de l’année, ce verbe succèdera à "Es läuft bei dir" (qui signifie être cool) en 2014 et "babo" (le leader d’un groupe) en 2013. Le dérivé de la chancelière domine, par ailleurs, une sélection de termes très marquée par la culture technologique et numérique.
On trouve, en effet, des mots comme "smombie" qui désigne une personne tellement dépendante de son smartphone qu’elle agit comme un zombie. Les "tinderella" sont, quant à elles, des jeunes femmes qui passent trop de temps sur le réseau social de rencontres Tinder. Une personne qui a pris un "dia bolo" vient de réaliser un selfie raté et la "cloudophobie" est une nouvelle maladie qui touche ceux qui ont peur qu'on leur vole leurs données numériques stockés dans le "cloud" (des services comme Dropbox ou Drive).
L'actualité internationale a également inspiré les jeunes allemands. Ils utilisent ainsi le verbe "krimmen" (en référence à la Crimée qui se dit "Krim" en allemand) pour évoquer l’action de s’approprier le bien d’autrui sans lui demander son autorisation.