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Qui saura aider la Grèce et ses créanciers à trouver la sortie du labyrinthe ?

Parmi les métaphores mythologiques employées pour décrire la crise grecque, une s’impose particulièrement : celle du labyrinthe. Une succession d’impasses contre lesquelles tout le monde se cogne au point d’en perdre l’entendement. Et même la raison.

La Grèce et ses principaux créanciers se trouvent dans une situation où chaque acteur sera perdant ou perdu et persiste pourtant dans l’impasse. À l’heure qu’il est, personne ne comprend même plus rien à la question qui sera posée aux Grecs, inventeurs de la démocratie, dimanche 5 juillet, pour la simple raison qu’on ne sait pas sur quoi ils devront se prononcer. Pourtant, partisans du oui et du non ont déjà commencé à faire campagne !

En fait, tout se passe comme si tout le monde savait qu’on tourne en rond, mais continuait pourtant à tourner sans obéir à la moindre logique.

Il est peut-être utile de rappeler ces évidences :

- Quelles que soient les mesures d’austérité qu’on lui impose, la Grèce ne remboursera jamais sa dette, même pas dans 100 ans. Au contraire, elle aurait besoin d’un plan de relance de son économie pour retrouver de la croissance et des marges de manœuvre.

Laisser la Grèce sortir de la zone euro ? Tout le monde en a peur.

- Pour qu’un plan d’austérité ait des chances de produire des effets, il faudrait que la réduction des dépenses publiques s’accompagne d’une dévaluation pour améliorer la compétitivité à l’exportation. Chose impossible pour la Grèce tant qu’elle reste dans la zone euro. Raison pour laquelle de plus en plus d’économistes, comme le prix Nobel Paul Krugman, estiment qu’elle devrait en sortir.

- Parmi les mesures structurelles et de rigueur budgétaire demandées à la Grèce, beaucoup ont été mises en œuvre par d’autres pays européens pour se préparer au passage à l’euro. La France a, par exemple, relevé son taux de TVA dans les années 1990. L’Union européenne porte donc une part de responsabilité dans la situation actuelle en ayant laissé entré la Grèce dans la zone euro alors qu’elle ne remplissait pas les critères.

- Le gouvernement grec ne peut à la fois demander qu’on annule sa dette et refuser de prendre les mesures pour qu’elle cesse de se creuser, aux dépens des mêmes créanciers. Comme on dit vulgairement : on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre…

Dans ces conditions, pourquoi ne pas changer de stratégie ?

- Laisser la Grèce sortir de la zone euro ? Tout le monde en a peur. Les Grecs parce qu’ils ont compris que leur dette nominale exploserait littéralement avec la dévaluation immédiate de leur monnaie. Les autres Européens parce que l’issue serait de toute façon catastrophique. Si la Grèce s’enfonce, ce sera le signe que la construction d’une union monétaire n’apporte aucune garantie de prospérité économique à ses membres, parce qu’en cas de crise, la sortie est la solution ultime. Si elle s’en sort, cela apportera de l’eau au moulin de ceux qui estiment que l’euro est à l’origine de tous les mots de l’Europe. Pour des raisons économiques, mais surtout politiques, la Grèce doit donc rester dans la zone euro.

La sortie du labyrinthe sera difficile à trouver. Mais elle existe.

- Rééchelonner voire annuler la dette grecque, au moins celle souscrite auprès des institutions publiques, paraît donc une mesure de bon sens. Sauf que, là aussi, pour des raisons politiques, cela paraît difficilement envisageable. Les citoyens des autres pays européens, et particulièrement ceux qui ont connu des mesures d’austérité pour se sortir de l’ornière (et bénéficier de l’aide du FMI et de l’UE comme la Grèce), auraient du mal à comprendre que l’on accorde à la Grèce ce qu’on ne leur a pas donné. Qu’ils soient de gauche (Italie) ou de droite (Espagne), les pays "rescapés" sont les plus inquiets de cette perspective car ils sont menacés par des mouvements politiques radicaux type Podemos, dont les positions se verraient confortées par ce scénario.

La sortie du labyrinthe sera difficile à trouver. Mais elle existe. Peut-être faut-il entendre Dominique Strauss-Khan. L’ancien directeur général du FMI, débarrassé de ses ennuis judiciaires, vient de publier un texte trop peu commenté, intitulé "Apprendre de ses erreurs".

Il y propose à la fois un réaménagement drastique de la dette grecque, mais en même temps la Grèce ne toucherait plus un centime du FMI et de l’UE. Comme elle ne pourrait pas non plus emprunter sur les marchés, elle serait obligée, d’elle-même, de prendre les mesures structurelles qui s’imposent à elle, notamment concernant son système de prélèvement de l’impôt totalement défaillant. Certaines mesures ressembleraient peut-être à celles que ces créanciers veulent aujourd’hui lui imposer, mais au moins seraient-elles prises souverainement et non plus sous une contrainte extérieure.

Indiscutablement une autre logique que celle poursuivie jusqu’ici dans le labyrinthe.

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