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Après la demande d'arrestation de la CPI, Pretoria interdit à El-Béchir de quitter le pays

Un tribunal sud-africain a provisoirement interdit dimanche au président soudanais Omar el-Béchir de quitter le pays, après une demande d'arrestation de la Cour pénale internationale.

Un tribunal sud-africain, saisi par une ONG, a interdit au président soudanais Omar el-Béchir de quitter le pays tant que la justice n'aura pas statué sur une demande d'arrestation formulée par la Cour pénale internationale (CPI), indique un jugement publié dimanche 14 juin.

"Le président soudanais Omar el-Béchir ne pourra pas quitter la République d'Afrique du Sud jusqu'à ce que le jugement définitif soit rendu dans cette affaire, et les autorités sont priées de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'en empêcher", a déclaré le juge de Pretoria, avant de renvoyer l'audience à lundi 11 h 30 (9 h 30 GMT).

C'est la première fois que la justice d'un pays africain tente d'empêcher un chef d'État en exercice de quitter son territoire en réponse à une demande de la CPI.

Improbable de voir l'Union africaine livrer El-Béchir

Ces informations n'ont pour autant pas fait sourciller le président soudanais, qui participait en Afrique du Sud au 25e sommet de l'Union africaine (UA). Il a même pris place, en début d'après-midi, au premier rang des chefs d'États pour la photo de groupe, non loin du président sud-africain Jacob Zuma.

Omar el-Béchir présent sur une photo publiée sur le compte Twitter de l'UA

Official opening of the #25thAUSummit of Heads State & Gov't soon to begin. Watch live Dstv Channel 404. @DIRCO_ZA pic.twitter.com/dz3O4REMuz

— African Union (@_AfricanUnion) 14 Juin 2015

Sachant que l'organisation continentale n'a jamais soutenu les poursuites contre le président El-Béchir, le ministre soudanais des Affaires étrangères Ibrahim Ghandour a commenté l'incident avec calme : "Cette action en justice, c'est l'affaire du gouvernement sud-africain (...) Nous sommes ici comme hôtes du gouvernement sud-africain. Des assurances ont été données par ce gouvernement".

Son homologue zimbabwéen Simbarashe Mumbengegwi, dont le pays exerce la présidence tournante de l'UA, a affirmé à l'AFP : "Dans le monde entier, les chefs d'État en exercice jouissent de l'immunité. L'Union africaine a donc dit qu'aucun tribunal du monde ne peut retirer cette immunité à un chef d'Etat en fonction".

Il est de fait très improbable que le pouvoir sud-africain fasse quoi que ce soit pour retenir Omar el-Béchir contre son gré.

Crimes de guerre au Darfour

Le président soudanais est en Afrique du Sud pour participer au sommet de l'UA, qui se tient dimanche et lundi, mais la CPI a appelé Pretoria à l'arrêter, dans le cadre des poursuites engagées contre lui en 2009 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité et en 2010 pour génocide.

Ces deux mandats d'arrêt sont liés aux événements au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie aux violences depuis 2003. Plus de 300 000 personnes sont mortes dans ce conflit, selon l'ONU.

Dans une décision rendue publique dimanche, la CPI indique avoir rappelé le 28 mai à l'Afrique du Sud son obligation statutaire, en tant qu'État membre de la Cour, d'arrêter et de lui remettre El-Béchir si celui-ci se rendait sur son territoire.

El-Béchir accueilli par des responsables sud-africains

Selon le document, l'ambassadeur d'Afrique du Sud aux Pays-Bas a rétorqué vendredi à la CPI, qui siège à La Haye, que son pays se trouvait face à des "obligations concurrentes" et que la loi "manquait de clarté".

Mais la CPI ne l'entend pas de cette oreille : "Il n'existe aucune ambiguïté ou incertitude quant à l'obligation incombant à la République d'Afrique du Sud d'arrêter et de remettre immédiatement Omar el-Béchir à la Cour", a-t-elle soutenu dans sa décision.

>> À lire sur France 24 : Omar el-Béchir, vainqueur annoncé d'une élection sans suspense au Soudan

C'est sur cette base que l'organisation de défense du droit "Southern Africa Litigation Center" a saisi la justice en urgence pour tenter d'obtenir une décision sur le sort du chef d'État soudanais.

Dimanche matin, les autorités sud-africaines ont refusé de confirmer l'arrivée en Afrique du Sud du président soudanais, mais la radio-télévision sud-africaine SABC a indiqué dans un tweet qu'El-Béchir avait bien été "accueilli par des responsables sud-africains et des diplomates soudanais".

L'agence officielle d'information soudanaise Suna avait par ailleurs annoncé samedi le départ du président soudanais "pour Johannesburg à la tête de la délégation soudanaise prenant part au sommet de l'Union africaine".

Omar el-Béchir, 71 ans, au pouvoir depuis un coup d'État en 1989 et réélu en avril avec 94 % des voix pour un nouveau mandat de cinq ans, a depuis 2009 considérablement limité ses déplacements à l'étranger, privilégiant les pays n'ayant pas rejoint la CPI.

Avec AFP